En collaboration avec Arcinfo, Le Rendez-vous Santé
Consentement du patient, recherche et études cliniques sont, en quelque sorte, le pain quotidien de l’Unité de coordination de la recherche au Réseau hospitalier neuchâtelois (RHNe). À sa tête, le docteur en neurosciences cognitives Baptiste Gauthier, qui s’est spécialisé dans la régulation et l’éthique lors d’un postdoctorat à l’EPFL. Ses explications sur les cadres légaux et l’introduction du consentement général.
La loi sur le Réseau hospitalier neuchâtelois prévoit qu’une des missions est de participer aux activités de recherche et développement. Quelles études sont menées?
L’hôpital participe à tous les types de recherche, tant observationnels (qui consistent à exploiter des données médicales dans le but d’améliorer les pratiques) qu’interventionnels (essais cliniques de médicaments, de nouveaux dispositifs ou techniques médicales). Le ratio est de 60% pour les premiers, 40% pour les seconds. Dans le cadre d’une étude observationnelle sur l’endométriose par exemple, les images médicales de patientes ont été réexaminées selon une méthodologie innovante. Sans intervenir sur les personnes, nous avons pu améliorer le diagnostic pour les futures prises en charge.
Vous collaborez avec d’autres institutions?
Nous nous investissons surtout dans des recherches multicentriques où plusieurs établissements travaillent ensemble sur un projet, sous l’égide d’un hôpital généralement universitaire. Nous avons une collaboration privilégiée avec les établissements romands – CHUV, HUG, Hôpital de Fribourg – et l’Hôpital de l’Ile à Berne. Mais des études sont aussi lancées au RHNe.
Combien de projets sont menés?
Il y a actuellement 55 projets de recherche – au sens de la loi fédérale relative à la recherche sur l’être humain (LRH) – actifs ou sur le point d’être lancés, dont une vingtaine de nouveaux projets en 2023. C’est le même ordre de grandeur que dans d’autres hôpitaux romands non universitaires comme à Fribourg ou en Valais. En parallèle, beaucoup de projets sont menés pour améliorer la qualité des soins.
Comment la recherche clinique est-elle encadrée?
Son périmètre est délimité à la fois par la législation cantonale qui régit l’hôpital et par la loi fédérale (LRH) soutenue par la Commission cantonale d’éthique de la recherche (CER-VD). En matière de traitement des données, il y a deux manières de procéder pour préserver l’anonymat: ne stocker aucune information personnelle ou remplacer les coordonnées comme le nom et l’adresse par un code que seules quelques personnes du projet de recherche sont en mesure de relier au patient. Cette méthode est la plus courante, car elle assure la sécurité des données sans altérer leur qualité et leur pertinence. Mais elle a un autre avantage: si une découverte médicale fortuite devait survenir et qu’elle s’avère pertinente pour le patient, on peut le recontacter par un décodage et lui proposer un suivi thérapeutique adapté.
Qu’en est-il du consentement du patient?
Il y a deux types de consentements, spécifique ou général. Le premier s’applique à tout type d’études, lorsqu’on propose à un patient de participer à un essai clinique par exemple. Il peut refuser ou accepter d’en faire partie; il doit être informé des implications, son consentement doit être libre, éclairé et ne porte que sur cette unique étude. Pour le second, la LRH entrée en vigueur en Suisse en 2014 a donné un cadre aux démarches de consentement général. Elle prévoit que les données médicales d’un patient puissent être utilisées pour des recherches observationnelles, comme dans l’exemple des imageries d’endométriose. Autrement dit, le consentement général permet une utilisation des échantillons et des données à des fins de recherche lorsqu’elles n’impliquent pas d’intervention sur le patient. En contrepartie, l’hôpital met en place toutes les mesures pour protéger ses droits et le respect des normes de qualité en vigueur. La commission cantonale CER-VD, présidée par le Pr Dominique Sprumont (cofondateur de l’Institut de droit de la santé de l’Université de Neuchâtel), vient de donner son feu vert à l’introduction du consentement général au RHNe.
Dans quel but?
Cela simplifie le travail administratif pour solliciter le consentement des patients qui, jusqu’à présent, se faisait individuellement. Le consentement général s’applique à la recherche observationnelle sur les échantillons codés, les données génétiques codées et les données non génétiques codées ou non. Il ne s’applique pas aux traitements médicaux ni essais cliniques qui restent soumis au consentement médical et spécifique. C’est proportionné! Le but est de permettre de mener des observations scientifiques avec bien plus de données qu’auparavant. Leur qualité sera par conséquent bien meilleure. Le consentement général s’est répandu un peu partout en Suisse, l’Hôpital de Fribourg l’a introduit il y a 18 mois tandis que les centres universitaires l’appliquent depuis plusieurs années. Il fera l’objet d’un courrier adressé aux patients adultes du RHNe capables de discernement. Cela concernera les consultations ambulatoires et hospitalisations électives, soit entre 15 000 et 20 000 personnes par an.
Quel est le rôle de votre unité?
Nous centralisons et gérons les informations liées aux projets de recherche, en collaboration avec les départements cliniques et le service juridique. Nous regardons s’il y a conformité éthique et juridique pour les recherches en préparation et vérifions la qualité scientifique du protocole. Nous nous assurons qu’un dossier est complet avant d’être soumis à la CER-VD. Cette commission est l’organe qui vérifie si le projet est conforme à la LRH et aux prescriptions éthiques internationales, qui portent sur la proportionnalité des interventions (Déclaration d’Helsinki) et la sécurisation des données entre autres. Il y a beaucoup de garde-fous. L’Unité de coordination de la recherche sera chargée de contrôler les conditions d’utilisation des données et échantillons pour des projets de recherche utilisant le consentement général. Elle sera le répondant autant pour l’investigateur que pour le patient.
«Nous nous intéressons toujours plus au vécu du patient»
Dans quels domaines se concentrent les recherches au RHNe? En matière d’études cliniques, Baptiste Gauthier cite la médecine interne, avec en guise d’exemple une recherche portant sur la diminution des prescriptions des statines dans les maladies cardiovasculaires. Mais il relève qu’«il y en a davantage en oncologie–sénologie que dans d’autres secteurs. Une des raisons principales, c’est qu’elles permettent aux patients d’avoir accès à des médicaments innovants, de dernière génération.»
Selon le coordinateur de la recherche clinique, «presque tous les services de l’hôpital ont des études observationnelles en cours. Des recherches ont par exemple été menées à partir des statistiques sur les infections pulmonaires en soins intensifs, sur le ressenti des patients suivis en oncologie ou encore autour du vécu de femmes lors de leur accouchement. Cela s’explique par le fait que tous les services sont engagés à améliorer les soins dans leur discipline. Plus généralement, on s’intéresse de plus en plus au ressenti des patients dans le domaine médical, et certaines études cliniques ne se focalisent que sur cet aspect, parce qu’un vécu positif améliore la condition de la personne prise en charge et l’efficacité des soins. C’est une des composantes très étudiée en médecine aujourd’hui.»