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En collaboration avec Arcinfo, Le Rendez-vous Santé 

Par Brigitte Rebetez

Dre Alix Stern et Dr Bernardino De Bari.

Alix Stern, oncologue et hématologue (à droite), et Bernardino De Bari, radio-oncologue. Photo © Guillaume Perret

Pour définir le traitement le plus opportun pour chaque patient, les tumorboards réunissent des panels d’experts pluridisciplinaires. Le Réseau hospitalier neuchâtelois en compte sept. Éclairage.

Ils travaillent en l’absence du patient, en coulisses: apparus à la fin des années 1970, les tumorboards sont devenus indispensables dans le traitement des cancers. Comment ça marche? Gros plan sur leur pratique au Réseau hospitalier neuchâtelois (RHNe), avec les docteurs Alix Stern, médecin-cheffe du Département d’oncologie, et Berardino De Bari, médecin-chef du service de radio-oncologie.

Quel est l’intérêt d’un tumorboard?
Alix Stern: Il y a plusieurs tumorboards au sein de l’hôpital: ORL, viscéral, sénologie, gynécologie, thoracique, urologie, hématologie… C’est une équipe médicale pluridisciplinaire qui réunit les différents spécialistes nécessaires à la prise en charge concertée d’une personne atteinte d’un cancer. Elle rassemble une dizaine de soignants, jusqu’à 20 membres pour les plus grands comme le tumorboard de sénologie. Ce dernier est d’ailleurs indispensable pour qu’un centre du sein puisse être certifié. Les groupes se réunissent pour la plupart une fois par semaine, pour discuter en direct de chaque cas.  Les échanges sont très formels et formalisés, nous devons être clairs et structurés dans la communication.
Bernardino De Bari: Ce n’est pas un médecin qui décide seul, mais une prise en charge collégiale de plusieurs spécialistes. Le suivi d’une situation complexe représente beaucoup de responsabilités: pouvoir l’exposer au panel d’experts et en discuter ensemble est un plus pour nous et surtout pour la personne atteinte d’un cancer.

 

“Nous analysons les différentes options thérapeutiques et nous devons nous mettre d’accord sur la meilleure stratégie de traitement.” Dre Alix Stern, médecin-cheffe du département d’oncologie

Comment fonctionne ce groupe?
Alix Stern: La situation du patient est présentée par un membre du tumorboard. Puis l’imagerie est passée en revue, ainsi que les résultats de l’analyse microscopique des tissus, des cytologies ou des pièces chirurgicales. Au terme des échanges, nous analysons les différentes options thérapeutiques et nous devons nous mettre d’accord sur la meilleure stratégie de traitement. Par exemple, est-ce plus opportun de commencer par une radiothérapie, une chimiothérapie ou d’opérer d’abord? L’objectif est d’assurer une prise en charge multidisciplinaire conformément aux dernières évidences scientifiques. Pour certaines situations, la voie à suivre est d’emblée claire, alors que dans d’autres, il existe plusieurs options. Nous devons alors échanger avant de pouvoir déterminer quelle sera la prise en charge la plus adaptée à la situation individuelle du patient.
Bernardino De Bari: Le tumorboard s’avère utile quand il s’agit de rassembler des compléments d’informations pour compléter le bilan, mais aussi pour établir un lien autour du patient avant la suite du traitement. C’est important afin de pouvoir mesurer l’étendue de la pathologie. Les réunions du groupe traitent aussi des cas de rechute locale ou de progression métastatique.

Vous sollicitez parfois le tumorboard moléculaire universitaire…
Bernardino De Bari: Dans les situations complexes, nous avons la possibilité de nous connecter au tumorboard moléculaire du réseau romand. Le but est de faire analyser le cas sous l’angle de la médecine de précision pour appréhender certaines particularités au niveau moléculaire de la tumeur. Les informations sur les altérations spécifiques sont analysées et une discussion est menée avec les collègues des hôpitaux universitaires pour définir quels traitements peuvent être proposés de manière ciblée. Le patient ne voit donc pas tous les spécialistes impliqués dans sa prise en charge…
Alix Stern: Je ne pense pas que l’on réalise facilement tous les rouages qui sont actionnés… Beaucoup d’acteurs dans différents départements sont impliqués. Un bon fonctionnement demande des ressources en temps de préparation pour les médecins et les secrétariats, de la coordination et aussi du support informatique par exemple. Je suis très reconnaissante de trouver tant d’engagement dans la prise en charge du cancer parmi mes collègues. Avant la réunion du tumorboard, il y a une préparation en amont, chacun vient avec les informations qu’il a rassemblées. Un compte rendu est rédigé et versé au dossier médical: le médecin en charge du suivi fait ensuite un point de la situation avec le patient. S’il y a plusieurs options de traitement possibles, le médecin va évidemment l’en informer.

Quel genre de questions doit être tranché?
Bernardino De Bari: Est-ce qu’il s’agit bien d’un cancer ou pas? Le bilan est-il complet? Est-ce qu’un traitement préopératoire, chimio ou radiothérapie notamment, est nécessaire? Après l’opération, nous devons vérifier que la chirurgie a été complète. Cas échéant, faut-il réopérer ou poursuivre avec une radiothérapie? Est-ce qu’une chimiothérapie serait indiquée? Et même lorsque la chirurgie a été complète, des traitements subsidiaires peuvent être pertinents pour diminuer le risque de récidive.

L’immunothérapie fait partie des traitements administrés?
Alix Stern: C’est notre pratique quotidienne depuis bientôt 10 ans! Et les indications vont en augmentant… Il existe différentes formes de traitements pour aider notre système immunitaire à reconnaître et combattre les cellules cancéreuses. La plus courante étant l’inhibition des points de contrôle immunitaires que nous administrons régulièrement en ambulatoire. Dans des cas plus rares, il nous arrive de référer nos patients aux hôpitaux universitaires pour des immunothérapies à base cellulaire.

Vous traitez tous les cancers?
Alix Stern: Pratiquement tous sont vus ici, à l’exception principalement des cancers pédiatriques. Il devient de plus en plus difficile d’être un oncologue généraliste aujourd’hui: dans la pratique, nous avons défini des référents selon les centres d’intérêt, ce qui nous permet d’approfondir nos connaissances et de concentrer l’expertise des spécialistes dans la prise en charge des patients. Les certifications imposent des critères de qualité qui portent notamment sur la structure, le réseau de prise en charge et les profils professionnels requis.

 

Tumorboard: des experts qui œuvrent en coulisses

La collecte des expériences de soins des patients est centrale pour évaluer et améliorer la qualité des soins prodigués. L’objectif principal de l’étude nationale SCAPE-CH est de décrire les expériences de soins oncologiques des patients traités ou suivis pour un cancer dans les centres hospitaliers en Suisse, dont le RHNe.

Depuis la mi-septembre 2023, les patients éligibles reçoivent à domicile un questionnaire sur ce qui s’est passé avant, pendant et après leur passage à l’hôpital pour les soins et traitements contre le cancer. Le document comporte également des questions sur leur état de santé et leurs caractéristiques sociodémographiques (p. ex. genre et âge).

Les patients ont la possibilité de répondre au questionnaire sur papier ou en ligne. Ce projet permet d’identifier les aspects satisfaisants et moins satisfaisants des soins oncologiques. Les résultats pourront guider la création et la mise en place d’interventions pour améliorer les soins.

Cette étude, menée conjointement par Unisanté (prof. Isabelle Peytremann Bridevaux), l’Institut universitaire de formation et de recherche en soins et le Laboratoire des patients en oncologie (prof. Manuela Eicher, Chantal Arditi), est financée par la Commission fédérale pour la qualité et par l’hôpital. La doctoresse Alix Stern est responsable de l’étude pour le RHNe.

Pour plus d’informations: www.scape-enquete.ch