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En collaboration avec Arcinfo, Le Rendez-vous Santé 

Par Brigitte Rebetez
Les ambulances neuchâteloises peuvent envoyer les électrocardiogrammes à un médecin référent du RHNE.

Grâce à une mise en réseau des défibrillateurs, les ambulances neuchâteloises peuvent envoyer les électrocardiogrammes durant une intervention à un médecin référent du RHNe, ce qui permet d’améliorer le diagnostic préhospitalier. Photos © Guillaume Perret

Ambulances et SMUR neuchâtelois peuvent désormais envoyer un électrocardiogramme (ECG) à l’hôpital pendant une intervention. Lors d’un infarctus aigu, cela permet d’améliorer le diagnostic préhospitalier et de gagner du temps.

Ce jour-là, vers 7 heures du matin, une équipe d’ambulanciers alertaient le service des urgences du Réseau hospitalier neuchâtelois (RHNe) en lui faisant parvenir par e-mail l’électrocardiogramme (ECG) de la personne qu’ils étaient en train de prendre en charge à domicile. En trois clics, un médecin cadre (urgentiste ou cardiologue) a pu examiner le graphique de l’activité électrique du cœur, établir une première évaluation et orienter le patient en fonction des soins requis.

«La transmission de l’ECG permet d’améliorer le diagnostic préhospitalier. En cas d’infarctus aigu, on peut diriger le patient plus rapidement vers un centre hospitalier doté d’une salle de coronographie, car chaque minute compte! La durée de la prise en charge est diminuée, nous gagnons du temps avec cette mise en réseau!», se réjouit le Dr Cyril Pellaton, médecin-chef du service de cardiologie du RHNe.

“L’utilisation du système est simple, sans complexité technique et permet de gagner du temps lors de la prise en charge.” Dr Cyril Pellaton, médecin-chef du service de cardiologie du RHNe

Cette innovation a été introduite l’automne dernier auprès de tous les acteurs de la médecine préhospitalière du canton, à savoir les trois services d’ambulances (Service de la protection et de la sécurité de Neuchâtel, Service d’incendie et de secours des Montagnes neuchâteloises et les ambulances des vallées neuchâteloises) ainsi que le SMUR (Service mobile d’urgence et de réanimation), en coordination avec le département des urgences du RHNe. C’est l’aboutissement d’un projet commencé en 2019, qui misait sur l’acquisition de nouveaux défibrillateurs avec ECG 12 dérivations intégrées, en profitant des échéances de renouvellement. La standardisation a permis de mettre en réseau les ECG et les analyses de réanimations extrahospitalières avec logiciel spécifique.

Jusque-là, des électrocardiogrammes étaient déjà effectués par les ambulanciers, mais ils ne pouvaient pas être transmis directement à l’hôpital.

Dans les situations aiguës, les secouristes devaient téléphoner au médecin référent, lui exposer le cas et envoyer manuellement les tracés ECG, une pratique évidemment moins efficiente.

Une filière rapide

«Lors de la prise en charge par une ambulance, avec ou sans SMUR, l’équipe peut décider de faire un ECG», détaille le Dr Walter-Alexandre Hanhart, médecin-chef du service extrahospitalier du Département des urgences.

«Elle l’envoie au médecin cadre des urgences ou au cardiologue. En fonction du diagnostic, les intervenants du SMUR demandent à leurs collègues à l’hôpital de préparer un box de déchocage. En cas d’infarctus du myocarde aigu, nous activons un fast track avec un hôpital muni d’une salle de coronarographie. Le but est de gagner du temps lors de l’envoi du patient en salle de cathétérisme cardiaque.»

Le médecin urgentiste précise que «lorsqu’une personne présente des signes d’infarctus, nous commençons déjà les premiers traitements sur place. Pendant qu’on installe le patient sur la civière et qu’on l’achemine vers l’ambulance, le SMUR établit les contacts avec le cardiologue qui prendra en charge le patient en salle de coronarographie et l’ECG est transmis simultanément.» Le nouveau système permet aussi d’éviter de devoir changer les patchs de défibrillation et de garder le même équipement entre le domicile et les différents hôpitaux, ce qui n’était pas le cas auparavant.

Selon la manière dont il se présente, l’électrocardiogramme peut livrer des indices sur la zone du cœur en souffrance, artère coronaire droite ou partie inférieure du muscle cardiaque par exemple. «Nous savons qu’en fonction de la localisation des atteintes, le cœur peut parfois trop ralentir… Ou que si le ventricule gauche est impacté, il risque de ne plus pouvoir pomper correctement, provoquant un oedème aigu du poumon», complète le Dr Hanhart.

Couteaux suisses

En découvrant les défibrillateurs de la télémédecine hospitalière, on pense à des couteaux suisses: outre l’ECG (qui permet de dépister infarctus du myocarde et arythmies cardiaques), ils sont capables de mesurer une kyrielle de paramètres, comme la tension artérielle, la saturation en oxygène ou en CO2, quitte à se muer en pacemaker externe si nécessaire. Ils permettent aussi d’évaluer l’efficience d’un massage cardiaque durant la réanimation (en indiquant si sa fréquence ou son intensité est adéquate). Une fois l’intervention terminée, ces appareils délivrent un rapport d’activité assorti de graphiques.

«Après chaque réanimation effectuée par le SMUR et les ambulances, nous analysons certaines données fournies sur l’intervention. Nous vérifions notamment si la qualité du massage cardiaque était adéquate, mais pas uniquement», précise le Dr Hanhart.

«Le cœur peut redémarrer ou alors s’arrêter de nouveau pour de nombreuses raisons… Il est important pour nous d’examiner a posteriori si la prise en charge a été faite dans les règles de l’art, d’autant qu’une réanimation ne se déroule pratiquement jamais comme décrit dans les manuels. Il y a toujours des particularités et les analyses minutieuses permettent de mieux les anticiper.»

De deux à quatre cas par jour

Pour respecter la protection des données, aucun critère d’identité du patient ne figure sur l’électrocardiogramme envoyé par télémédecine. Seuls l’âge présumé et le sexe sont inscrits. La confidentialité est donc assurée malgré la mise en réseau.

Pour le Dr Pellaton, le système tient toutes ses promesses: «Son utilisation est simple, sans complexité technique et permet de gagner du temps lors de la prise en charge des patients.»

Et sa portée, à l’échelle de la région, n’est pas négligeable: depuis l’introduction du réseau de télémédecine préhospitalière, l’envoi d’un ECG par les ambulanciers au médecin spécialiste de l’hôpital concerne chaque jour entre deux et quatre patients dans le canton.

Le canton parmi les précurseurs

Le cadre de fonctionnement du dispositif préhospitalier neuchâtelois est défini par un ensemble de directives et documents, tous validés par la Commission cantonale des urgences préhospitalières (Comup). Le rôle de cette dernière est d’assurer la coordination entre les différents prestataires impliqués – ambulances, SMUR mais aussi police et pompiers  pour que «la prise en charge des patients soit la meilleure possible», résume son président Andy Willener. «Le réseau de télémédecine récemment mis en place dans la région à l’initiative du RHNe n’existe pas dans d’autres cantons», fait-il remarquer. «Neuchâtel est parmi les précurseurs. Tous les services utilisent le même système, ce qui permet une parfaite homogénéité de travail.» Il souligne aussi que la collaboration entre ambulances, SMUR, urgences et cardiologues a bien fonctionné malgré la surcharge de l’activité durant la pandémie de Covid-19.