Sélectionner une page

En collaboration avec Arcinfo, Le Rendez-vous Santé 

Par Brigitte Rebetez
Service de néphrologie du RHNe

Le Service de néphrologie du RHNe réunit (de gauche à droite) Antoine Humbert, médecin-chef de service, Mélanie Ackermann, médecin-cheffe adjointe, l’infirmière Diana Corradini, Emilie Solimando, médecin-cheffe adjointe, l’assistante médicale Christelle Veuve et Fabien Stucker, médecin-chef de service. Photo © Guillaume Perret

NÉPHROLOGIE – Les maladies des reins sont souvent silencieuses, à l’instar de l’insuffisance rénale chronique, qui touche un adulte sur dix. Prévention, traitements, dialyse, suivi pré- et postgreffe: le point sur la prise en charge.

Si les reins ont pour mission première de purifier l’organisme en évacuant les toxines dans les urines après filtration du sang, ils jouent d’autres rôles importants, comme dans la régulation de la pression artérielle. Le hic, c’est que cette belle mécanique peut s’enrayer: or, les atteintes entraînant une diminution de leurs fonctions sont peu symptomatiques.

Insidieuse, la maladie rénale chronique est loin d’être rare: elle concerne un adulte sur dix en Suisse. «En fait, les gens ne commencent à ressentir des signes qu’à un stade avancé de la maladie. Et encore, les symptômes ne sont pas prononcés, de l’ordre d’un peu de fatigue ou d’une prise de poids», illustre Mélanie Ackermann, médecin-cheffe adjointe au Service de néphrologie du Réseau hospitalier neuchâtelois (RHNe).

Plusieurs causes

Les deux premières causes de l’insuffisance rénale sont les complications découlant de l’hypertension et du diabète, qui endommagent les reins. Mais la déficience peut aussi être d’origine génétique, avoir été induite par une maladie inflammatoire ou par des médicaments, les anti-inflammatoires en particulier. «Des prises prolongées d’anti- inflammatoires pendant plusieurs mois ou années, en cas de douleurs articulaires par exemple, peuvent abîmer les reins», prévient le médecin-chef Antoine Humbert. «Le réflexe estomac – anti-inflammatoires est répandu, mais il l’est beaucoup moins pour les reins!»

Ralentir la progression

Actif sur quatre sites hospitaliers du canton de Neuchâtel, le Service de néphrologie du RHNe prend principalement en charge les patients souffrant d’insuffisance rénale aiguë, de maladie rénale chronique, de calculs rénaux, d’hypertension. Il réunit quatre néphrologues souvent appelés à collaborer avec d’autres spécialistes, immunologues, cardiologues, chirurgiens, rhumatologues notamment. «Grâce à la prévention, moins de malades en arrivent au stade de la dialyse. L’enjeu, c’est de dépister la pathologie tôt et de mettre en place un traitement pour éviter son évolution», expose le professeur Fabien Stucker, lui aussi médecin-chef du service. «L’arrivée de nouveaux médicaments sur le marché a permis de freiner la progression de l’insuffisance rénale.»

C’est seulement lorsque la fonction rénale se retrouve réduite à 10-15% de ses capacités qu’une substitution s’impose. Les options? Une dialyse ou la greffe d’un rein. «Nous veillons à identifier tôt les patients qui en auront besoin», relève le docteur Humbert. «L’idéal serait de pouvoir effectuer une transplantation avant que la dialyse s’avère nécessaire. Nous discutons de toutes les options avec le patient, car la préparation en amont fait partie de notre travail!»

«Des prises prolongées d’anti-inflammatoires pendant plusieurs mois ou années, en cas de douleurs articulaires par exemple, peuvent abîmer les reins.» Dr Antoine Humbert

Cent Neuchâtelois greffés

Cent personnes environ effectuent des dialyses dans le canton, à l’hôpital de La Chaux-de-Fonds, de La Providence (Neuchâtel) ou sur le site de Pourtalès si elles y sont hospitalisées. Les néphrologues du RHNe suivent aussi les 90 à 100 Neuchâtelois qui vivent avec un rein greffé, dont deux depuis plus de 25 ans. Lorsqu’une greffe est envisagée, le Service de néphrologie se charge des étapes préliminaires, comme le bilan prétransplantation, les entretiens avec le donneur vivant et l’entourage du patient, les échanges avec le centre de transplantation universitaire…

Emilie Solimando, médecin-cheffe adjointe, explique qu’«après les examens réalisés dans le centre universitaire, nous nous entretenons en général avec leurs intervenants en visioconférence». Dans la mesure où une personne greffée devra suivre un traitement antirejet à vie, il est important de réaliser un bilan préalable large pour s’assurer que ces immunosuppresseurs ne la mettront pas en danger. Cela explique pourquoi tous les patients ne peuvent pas être transplantés, notamment ceux traités dans un passé récent pour un cancer, au risque de favoriser une récidive.

Le Service de néphrologie du RHNe travaille avec les centres de transplantation de Berne, Lausanne et Genève, parmi les six que compte la Suisse. «Et vu que les membres de notre équipe médicale sont tous issus de l’un ces trois centres, nous connaissons bien tous nos interlocuteurs», relève le professeur Stucker.

Vivre avec l’organe d’un autre

Si le receveur est examiné dans les moindres détails, le donneur potentiel fait aussi l’objet d’investigations complètes, histoire de s’assurer qu’il est en bonne santé, sans diabète ni hypertension. L’équipe vérifiera les questions de compatibilité (toutefois des groupes sanguins différents ne constituent plus un obstacle) et son état sanitaire, tout en mettant en place un suivi psychologique pour le receveur comme pour le donneur.

Le docteur Humbert signale qu’«il faut être confortable avec l’idée de vivre avec l’organe d’un autre. Quant au proche qui donne son rein, il doit comprendre que cela ne lui confère pas le droit d’être contrôlant à l’égard du receveur. Il ne faut pas qu’il devienne un donneur de leçons pour le greffé. C’est donc important de parler de ces enjeux en amont.» En cas d’incompatibilité entre un donneur vivant et «son» receveur, on peut envisager une transplantation croisée. Pour schématiser, le rein du donneur du binôme 1 sera greffé sur le receveur du binôme 2 et inversement.

400 personnes ont pu être greffées d’un rein en Suisse l’an dernier sur les 1500 inscrites sur la liste d’attente.

Malgré ces avancées, l’attente pour recevoir un rein reste longue en Suisse, parfois trop. Sur 1500 personnes inscrites en 2023, seules 400 ont pu être greffées et 30 sont décédées. Une amélioration est espérée avec le consentement présumé en ce qui concerne le don d’organes, adopté par le peuple suisse en 2022, mais il faudra patienter jusqu’en 2026 au plus tôt pour voir sa concrétisation…

Des dialyses aussi à domicile

La méthode la plus fréquemment choisie par les patients pour pallier une insuffisance rénale sévère, c’est l’hémodialyse. Le sang est épuré via un circuit extracorporel, en passant dans un dialyseur. Trois séances hebdomadaires d’une durée de quatre heures sont nécessaires pour remplacer l’activité des reins. Il existe une alternative à ces passages à l’hôpital: la dialyse péritonéale, qui utilise le péritoine – membrane qui tapisse la paroi de l’abdomen – comme filtre. «Elle est pratiquée à la maison, par exemple durant la nuit, six jours sur sept», explique la docteure Ackermann. «Les patients se font contrôler toutes les six semaines environ. Cette solution leur offre davantage d’autonomie, car elle est plus facilement conciliable avec une activité professionnelle.»

En revanche, elle implique le port d’un cathéter de dialyse en continu, qui est posé à l’hôpital. Le docteur Humbert relève que certains patients optent successivement pour les deux procédés.