Les pathologies cardiovasculaires concernent autant les femmes que les hommes, avec des différences selon l’âge et des symptômes atypiques du côté féminin. Les précisions de Cyril Pellaton, cardiologue au RHNe.

Anouchka lors d’une séance de physiothérapie de réadaptation cardiovasculaire ambulatoire à l’hôpital Pourtalès. © Guillaume Perret
On a longtemps considéré que les maladies cardiovasculaires concernaient principalement la population masculine. Une idée reçue qui a tout faux, comme le démontrent les chiffres de l’Office fédéral de la statistique pour 2023: ces pathologies ont provoqué un peu plus de décès chez les femmes (30% de la mortalité totale en Suisse) qu’auprès des hommes (26,7%). Elles sont par ailleurs la première cause de mortalité dans notre pays, tous genres confondus.
«Cela étant, les facteurs de risque se répartissent différemment selon le sexe et l’âge», explique le Dr Cyril Pellaton, médecin-chef du service de cardiologie du Réseau hospitalier neuchâtelois (RHNe). Avant la ménopause, les femmes sont moins exposées aux pathologies cardiovasculaires que les hommes. À ce stade de la vie, elles sont aussi moins sujettes à l’hypertension que la gent masculine. Mais une fois ménopausées, c’est l’inverse…
La tendance est similaire avec le diabète: si les messieurs souffrent globalement davantage du diabète que les dames, ces dernières sont plus impactées après la cinquantaine (augmentation de l’obésité et du diabète). «De manière générale, les femmes sont relativement protégées avant la ménopause, résume le cardiologue, mais cette protection n’est pas complète et elle diminue ensuite en raison des modifications hormonales.»
Symptômes atypiques
La maladie coronarienne (maladie des principaux vaisseaux du cœur) affecte majoritairement la population masculine puisqu’elle ne concerne les femmes «que» dans un tiers des cas. Les hommes ont tendance à développer la maladie plus tôt (67 ans), contre un âge moyen de 75 ans pour les dames.
On retrouve ces proportions parmi les participants au programme de réadaptation cardiovasculaire ambulatoire du RHNe. Ce programme mixte favorise une reprise progressive de l’activité physique avec des physiothérapeutes. Les patients sont monitorés et bénéficient d’un suivi individualisé, adapté à leur condition.
«De manière générale, les femmes sont relativement protégées avant la ménopause, mais cette protection n’est pas complète», Dr Cyril Pellaton
L’infarctus (obstruction d’une artère coronaire) génère souvent des symptômes atypiques, plus difficiles à diagnostiquer lorsqu’il se décline au féminin (lire encadré). Les signes avant-coureurs rapportés par des patientes peuvent comprendre des nausées et vomissements, une douleur thoracique peu marquée (et donc moins identifiable), une fatigue, des palpitations… Ceci peut expliquer que le délai entre l’apparition des symptômes et la reperfusion coronarienne est en moyenne plus long pour les femmes par rapport aux hommes.
Études spécifiques
Selon le cardiologue, «des études spécifiques intégrant le genre ont commencé à aborder les différences entre femmes et hommes au cours de ces vingt dernières années. Il relève cependant que les femmes sont souvent sous-représentées dans les études cliniques.

© Guillaume Perret
Une première analyse à large échelle a été menée en Suisse par des chercheuses d’Unisanté (Lausanne) sur les cas d’infarctus du myocarde, sous l’angle des différences hommes-femmes. Elle a été publiée en décembre 2022 dans la revue BMJ Medicine. Les autrices ont examiné les données administratives hospitalières de plus de 220 000 patients suisses sur une période de neuf ans, entre 2009 et 2017. Elles ont constaté une différence de prise en charge selon le genre qui peut avoir un impact négatif sur la mortalité et la morbidité des patientes.
Un délicat paradoxe
«Il y a là un énorme paradoxe, pointe le Dr Pellaton, car même si les femmes jeunes ont moins de facteurs de risque que les hommes, leur risque de mortalité est plus élevé à âge égal. Cela s’explique possiblement par le fait que les symptômes atypiques qu’elles peuvent éprouver ne leur font pas immédiatement penser à un infarctus, avec l’éventualité de retarder une prise en charge optimale.»
Alors comment améliorer les choses? Le cardiologue indique que la communauté scientifique a pris conscience que des études spécifiques incluant le genre des patients sont nécessaires. «Ces analyses permettront de mieux comprendre les différences entre les genres et par conséquent d’améliorer la prévention, le diagnostic et le traitement chez les femmes, en les personnalisant.»
Il estime aussi qu’il faut sensibiliser la communauté médicale à cette problématique et, en parallèle, continuer d’informer le public. «C’est important d’expliquer ces différences de présentation clinique à la population, notamment les symptômes atypiques chez les femmes.»
Le médecin rappelle que la prévention reste capitale pour ménager le système cardiovasculaire, pour les femmes comme pour les hommes. Cela passe par une alimentation équilibrée, une activité physique régulière et la réduction des facteurs de risque que sont l’hypertension, le cholestérol, le tabagisme, le diabète et le surpoids.
«J’ai pensé que j’avais mal digéré quelque chose»

Anouchka a été frappée par un infarctus doublé d’un AVC en 2023. © Guillaume Perret
«J’étais en train de lire un soir quand j’ai commencé à ressentir des troubles à l’estomac. J’ai pensé que j’avais tout simplement mal digéré quelque chose, alors j’ai bu un coca. Les maux se sont estompés, mais une heure plus tard, ils étaient de retour. Là, je me suis préparé un thé noir. Il y a eu un léger mieux, ensuite rebelote: je n’étais pas bien du tout une heure après, avec cette fois une sensation de chaleur sur la poitrine, puis des douleurs aux deux bras… J’ai appelé le 144 et sept minutes après, l’ambulance était là. J’ai été prise en charge à l’hôpital Pourtalès, à Neuchâtel, où les examens ont révélé un infarctus du myocarde. Les symptômes augmentaient, mais j’étais calme. À 5 heures du matin, j’ai été transférée à l’hôpital de l’Ile, à Berne, et à midi, on m’a posé un stent. Tout s’est bien passé, sauf que cinq jours plus tard, de retour à la maison, j’ai fait un AVC… Même s’il n’était pas de grande envergure, je continue d’en subir les effets aujourd’hui, notamment au niveau de l’équilibre et de la marche. Il y a certes des progrès grâce à la physiothérapie, mais ça évolue lentement.»
Lorsqu’elle a été frappée par un infarctus doublé d’un AVC en février dernier, Anouchka, 51 ans, a été prise par surprise. Surtout qu’elle n’avait, selon le cardiologue, que peu de facteurs de risque (léger cholestérol, petite fumeuse). Aujourd’hui, elle s’investit à fond dans la rééducation ambulatoire, en disant combien elle est reconnaissante à l’égard des équipes qui l’ont prise en charge. «Tous ont été à l’écoute», souligne-t-elle, «c’était vraiment top! »
Non-fumeuse dès son hospitalisation, elle suit le programme de réadaptation cardiovasculaire trois matins par semaine à Pourtalès auquel s’ajoutent deux séances de physio pour surmonter les lésions de l’AVC. Anouchka compte bien continuer de bouger lorsqu’elle aura terminé les 12 semaines de réadaptation fin juin. «Je sais que c’est très important de poursuivre l’activité physique, cela dit je n’étais pas inactive avant mon infarctus.»
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