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CHANGEMENT CLIMATIQUE – Le RHNe a réalisé d’importants efforts ces dernières années pour améliorer son efficacité énergétique. Plusieurs démarches parallèles ont été prises cette année pour inclure la durabilité parmi les priorités stratégiques de l’institution.

Par Pierre-Emmanuel Buss

Panneaux solaires RHNe

Photo © Guillaume Perret

La question énergétique n’a jamais autant fait parler d’elle que depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine, en février 2022. Pour l’Agence internationale de l’Énergie (AIE), le conflit a ouvert «une période de turbulences extraordinaires», essentiellement sur le front du gaz. L’ensemble du marché a été impacté, avec des conséquences majeures pour les gros consommateurs comme les hôpitaux.

Cette crise a mis en évidence la mauvaise préparation de la Suisse face à une éventuelle pénurie énergétique. La perspective d’un contingentement de l’électricité, voire la mise en place de délestages tournants, a fait transpirer le département logistique du RHNe durant l’automne 2022. Heureusement, tout s’est bien passé, et cela devrait être à nouveau le cas pour l’hiver 2023-2024 (lire l’encadré ci-dessous). «Les perspectives sont meilleures que l’an dernier, d’autant que la Confédération a mis en place deux centrales à gaz d’appoint qui pourront être mises en route au besoin», souligne Jérôme Kubler, directeur logistique.

«Les hôpitaux suisses sont responsables de 6,7% de l’empreinte carbone en Suisse, contre 4,4% en moyenne internationale. »

Les hôpitaux suisses n’ont pas attendu le conflit en Ukraine pour lancer des programmes d’amélioration de leur efficacité énergétique. Responsables de 6,7% de l’empreinte carbone du pays selon le rapport 2019 de l’organisation non gouvernementale Health Care Without Harm (contre 4,4% en moyenne internationale), ils sont tous confrontés aux mêmes défis: réduire leur consommation d’énergie, diminuer leur impact sur la pollution des eaux, favoriser les achats responsables ou encore gérer de manière plus efficiente leurs déchets.

Au RHNe, les premières mesures ont été prises en 2006 dans le cadre du programme Gros consommateurs puis au travers d’une convention d’objectifs auprès de l’Agence de l’énergie pour l’économie (AEnEC). En 2020, l’hôpital cantonal a obtenu le label «Protection volontaire du climat et efficacité énergétique». Un succès obtenu principalement grâce à des améliorations des infrastructures techniques des bâtiments, à la récupération ou la production de chaleur et de froid, à l’isolation thermique de l’enveloppe des bâtiments ou encore à l’installation d’équipements et de sources lumineuses plus économes en énergie.

Gilles Mury, chef de projet CVS

 Gilles Mury, chef de projet CVS / Photo © Guillaume Perret

L’effort s’est poursuivi ces derniers mois avec la réalisation de plusieurs projets de centrales solaires pour auto-produire de l’énergie durable: les toits des sites de La Chaux-de-Fonds (2022), Landeyeux (2023) et Pourtalès (2023) ont été équipés de centrales photovoltaïques qui produiront 8% de l’électricité consommée par le RHNe dès 2024. Ce n’est qu’un début: courant 2025, le parking nord du site de La Chaux-de-Fonds sera couvert par des panneaux photovoltaïques. Ces ombrières, installées en partenariat avec Viteos et la Ville de La Chaux-de-Fonds, permettront de couvrir près de 20% de la consommation électrique du site.

Pour coordonner les projets énergétiques du RHNe avec l’objectif «de consommer moins et mieux», le département logistique s’est doté d’un «Monsieur Énergie» en la personne de Gilles Mury, chef de projet CVS . «C’est une nouvelle fonction, mais cela ne change pas grand chose sur le fond, précise-t-il. Depuis mes débuts au RHNe, en 2009, j’ai toujours travaillé dans ce domaine. L’institution m’a toujours donné des moyens pour améliorer progressivement la situation.»

Les progrès les plus spectaculaires ont été effectués sur le site de La Chaux-de-Fonds, de construction ancienne. «Depuis 2010, des projets successifs d’optimisation ont permis de réduire la consommation de gaz pour le chauffage de 17,6 millions à 7,9 millions de kWh. L’économie réalisée est spectaculaire, mais il faut reconnaitre qu’on partait de très loin. L’isolation thermique des bâtiments était vraiment catastrophique.» Une nouvelle étape sera réalisée fin 2024 avec le raccordement du site chaux-de-fonnier au chauffage à distance de l’usine de valorisation des déchets Vadec.

La consommation d’électricité, elle, n’a pas connu de baisse significative ces dernières années, avec un total qui avoisine les 10 millions de kWh par an, ce qui équivaut à la consommation moyenne de 2500 ménages. La faute, notamment, à l’installation de machines de dernière génération gourmandes en énergie. La consommation d’une IRM atteint ainsi une moyenne de 80 000 kWh par an. Un scanner est moins énergivore, mais il requiert le maintien d’une certaine puissance lorsque l’appareil est en veille. La consommation d’un appareil récent se situe autour des 11 000 kWh par an.

«Cette stabilité est un peu frustrante, reconnait Gilles Mury. On a fait beaucoup d’efforts, mais les résultats ne le montrent pas: l’augmentation de l’activité du RHNe a entraîné un accroissement du parc des équipements biomédicaux et la consommation supplémentaire liée à ces appareils est venue «manger» les économies réalisées.»

Mais comme le souligne le spécialiste, le développement durable ne se limite pas au domaine énergétique. Il inclut des aspects environnementaux, économiques, politiques et sociaux que le RHNe a récemment inscrit dans ses axes stratégiques. Dans ce cadre, le département logistique a lancé fin octobre 2023 une enquête institutionnelle basée sur les 17 objectifs de développement durable adoptés par l’ONU.

Sur la base des réponses données, des groupes de travail seront constitués courant 2024 pour tenter de trouver des réponses concrètes aux problèmes soulevés. L’objectif de la démarche est double: il s’agit d’impliquer davantage les collaborateur-rice-s en matière de développement durable tout en les incitant à mener en parallèle une réflexion sur leurs pratiques dans leur sphère privée. Le processus sera accompagné par Jean-Luc Sonnay, nouveau spécialiste RSE et durabilité, entré en fonction le 15 novembre dernier. Il débouchera à terme sur la mise en place d’un rapport sur la Responsabilité sociétale des entreprises (RSE).

«Le risque de pénurie énergétique est peu élevé»

Directeur logistique du RHNe, Jérôme Kubler fait le point pour l’hiver 2023-2024.

 

Jérôme Kubler, directeur logistique du RHNe

Jérôme Kubler. / Photo © Guillaume Perret

En automne 2022, la perspective d’être confronté à des délestages électriques a fait transpirer tous les responsables hospitaliers. Au RHNe, le directeur logistique Jérôme Kubler avait la mission de préparer l’institution à tous les scénarii. «Avec la guerre en Ukraine et la pression sur le marché du gaz, les problèmes de maintenance sur le parc nucléaire français et le taux de remplissage des barrages plus bas que la moyenne, on ne savait pas vraiment à quoi s’attendre, précise-t-il avec le recul. Heureusement, l’hiver a été clément, ce qui a permis à la plupart des entreprises de réduire de facto leur consommation.»

La situation s’annonce moins tendue pour l’hiver 2023-2024. Les stocks de gaz, utilisés pour la production d’environ 20% de l’électricité européenne, sont au plus haut. Une situation favorable qui s’explique par une faible demande de gaz liquide, l’Asie n’ayant pas connu le rebond économique attendu. Dans le même temps, le parc nucléaire français a réglé une partie de ses problèmes de maintenance et est à plus de 60% de sa capacité tandis que le suisse est à 100% disponible suite aux maintenances estivales. Le conflit au Moyen-Orient a un impact limité sur les flux pétroliers: les prix ont augmenté, mais il n’y a pas de diminution de volume pour l’instant.

Après les sueurs froides de 2022, la Confédération a constitué des réserves stratégiques de gaz et mis en fonction deux centrales à gaz d’appoint afin de faire le pont en cas de pénurie. Les bassins d’accumulation des centrales hydrauliques sont remplis à un niveau historique suite à des pompages effectués pour garantir une réserve hivernale. En conséquence, la Confédération a renoncé à un objectif de baisse de la consommation électrique. Mais elle a maintenu l’objectif d’une baisse de 15% de la consommation de gaz pour l’hiver 2023-2024.

Même s’il prend des gants, Jérôme Kubler est optimiste pour l’hiver à venir. «Le risque de pénurie énergétique est peu élevé, ça devrait se passer sans encombre. Heureusement, car selon la perspective saisonnière de MétéoSuisse, l’hiver risque d’être rigoureux».

La situation s’est également améliorée sur le front de la préparation des sites du RHNe en cas de délestage. À Pourtalès, où le bâtiment principal était déjà secouru l’an dernier, la capacité des citernes à mazout pour le groupe de secours a été doublé pour atteindre une autonomie de 6 à 8 jours. Le site de La Chaux-de-Fonds reste partiellement secouru, mais des progrès ont été réalisés afin d’assurer la prise en charge des urgences en tout temps, de permettre une grande partie des analyses de laboratoire par Admed et d’assurer l’alimentation des chariots de mise en température des repas. Les sites de réadaptation du Val-de-Ruz et du Locle disposeront durant les mois d’hiver de génératrices qui permettront de secourir l’entier des deux sites en cas de délestage, alors que les locaux de Couvet sont de leur côté déjà secourus. Seule La Chrysalide ne pourrait pas disposer de courant électrique. En cas de pénurie de gaz, seul Pourtalès pourrait devoir dégrader le chauffage du quelques secteurs. Les autres sites sont soit raccordés à des réseaux de chauffage à distance indépendants du gaz ou ont la possibilité de commuter leurs chaudières du gaz au mazout.

Salomé Bielser, coordinatrice administrative de la direction des soins, et Dr Christopher Richard, médecin-chef adjoint au département des urgences.

Anne-Salomé Bielser, coordinatrice administrative de la direction des soins, et Dr Christopher Richard, médecin-chef adjoint au département des urgences. / Photo © Guillaume Perret

Au printemps 2023, des collaborateur-rice-s médico-soignant-e-s ont pris les devants en créant le Cercle pour des soins durables. «Cette initiative découle du constat que l’optimisation des ressources est insuffisante pour avoir des services de santé durables», précise le Dr Christopher Richard, médecin-chef adjoint au département des urgences et cheville ouvrière du projet en compagnie de Salomé Bielser, coordinatrice administrative de la direction des soins.

Le cercle pour des soins durables prend comme référence la feuille de route de l’Académie suisse des sciences médicales (ASSM) publiée en juin 2022. Élaborée en collaboration avec une soixantaine d’expert-e-s en santé et durabilité, elle constitue une première étape pour penser des services de santé durables en Suisse, dans la limite des ressources de la planète. Les sept axes stratégiques proposés dans le document doivent permettre de guider les acteurs-trices de la santé pour développer des pratiques qui respectent la transition écologique.

 

«J’ai vraiment peu d’espoir que les changements civilisationnels soient suffisants pour éviter d’aller dans le mur. Mais pour être serein, je me dois de m’engager » Dr Christopher Richard

Le projet de cercle des soins durables est né sous l’impulsion de l’association EcoSanté Neuchâtel, qui a lancé une pétition interne au RHNe pour inciter le Collège des directions à créer une commission durabilité. «Elle a obtenu 207 signatures en un mois en été 2022, ce qui a incité la direction à entrer en matière, en séparant les soins de la question énergétique, reprend Christopher Richard. À ce moment-là, il y avait une vingtaine de projets non coordonnés au sein des départements médico-soignants. Le cercle des soins durables permet d’avoir une vision globale et de prioriser ce qui a le plus de sens. Mais on en est qu’au début. L’idée n’est pas seulement de diminuer l’impact carbone de nos pratiques de médecine et de soins mais de changer, par des formations et campagnes de sensibilisation, la culture de nos métiers pour passer dans un paradigme de santé plus durable.»

Le Dr Richard s’engage sur le front du développement durable depuis 2019. «Il y avait une grande manifestation pour le climat à Londres. J’ai vu des docteurs pour Extinction Rebellion défiler. Comme j’ai travaillé en Angleterre en 2012-2013, je me suis dit: «C’est moi!» La réflexion s’est poursuivie avec les manifestations qu’il y a eu à Lausanne en 2019 également. Cela a été le point de départ des actions dans le canton et au sein du RHNe.»

Pour le médecin, l’action climatique constitue une nécessité, mais il voit au-delà: «J’ai vraiment peu d’espoir que les changements civilisationnels soient suffisants pour éviter d’aller dans le mur. Mais pour être serein, je me dois de m’engager. En parallèle de cette démarche militante pour le climat, je m’investis aussi pour combler la crise de sens qui entoure les métiers de soins. Cela fait partie intégrante d’une société durable.»

 

Le RHNe propose des ateliers durables

C’est ChatGPT qui le dit si vous lui demandez s’il est important de se former dans le domaine du développement durable: «Une formation spécifique peut vous ouvrir des portes. Les connaissances en développement durable sont de plus en plus valorisées sur le marché du travail. Une formation dans ce domaine peut renforcer votre profil professionnel et augmenter vos opportunités d’emploi.» Le catalogue de formation 2024 du RHNe propose deux formations dédiées. N’hésitez pas, inscrivez-vous!

  • La Fresque du climat

La Fresque du climat, animée par Lucas Navarro, sage-femme au RHNe, vise à sensibiliser chacun et chacune à la problématique du dérèglement climatique. Proposée sous la forme d’un atelier participatif de trois heures, la formation permet de prendre conscience de la problématique environnementale de manière ludique. L’atelier vise notamment à donner des pistes pour limiter notre impact environnemental dans nos vies quotidiennes. Cela passe par la réduction de nos émissions de gaz à effet de serre générés notamment par les transports et l’alimen- tation. La formation s’adresse à toutes et tous. Il n’y a aucun prérequis, aucune attente et aucun jugement. En mai 2023, la formation de la Fresque du climat a été suivie par tous-tes les participant-e-s de la journée des cadres de la direction des soins, avec des retours extrêmement positifs.

  • Atelier santé nature pour professionnel-le-s de la santé

Cet atelier d’une journée dans la nature a comme ambition de faciliter la transition durable des services de santé suisses. Selon le Dr Christopher Richard, médecin-chef au département des urgences et membre du cercle pour des soins durables du RHNe, et Aymone Kaenzig, thérapeute en psychomotricité, un changement des représentations est nécessaire, car il peut entraîner un changement de la relation d’un individu avec son environnement et de ses pratiques. Dans ce contexte, le duo offre aux professionnel-le-s de la santé un espace-temps pour faire l’expérience du lien avec soi-même, les autres et la nature, en vue de changer sa perception de la santé et son rapport au soin. L’atelier regroupe plusieurs activités en lien avec la durabilité dans le domaine de la santé: réflexions personnelles et en groupe; jeux de rôles guidés; présentations courtes; activités collectives conviviales autour du site naturel; élaboration de projets personnels. Aucun prérequis n’est nécessaire pour participer, hormis d’être un-e professionnel-le de la santé. Toutefois, les formateurs-trices recommandent de suivre au préalable l’atelier la Fresque du climat.

Programme 2024

La Fresque du climat:
le 6 février matin et après-midi,
le 9 avril matin et après-midi,
le 8 octobre matin et après-midi.

Atelier santé nature (9h-17h, au lieu-dit La tête plumée, forêt de Neuchâtel):
20 avril, 30 mai et 15 juin.

Webinaire (18h30-20h) les 13 mai, 3 juin et 1er juillet.
Inscriptions obligatoires:

Pour les internes, remplir le formulaire «demande de formation» disponible sur Intranet, le transmettre à votre responsable pour préavis puis au service de la formation (formation@rhne.ch).

Pour les externes, voir le programme de formation continue sur le site internet du RHNe.