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 par Trinidad Barleycorn

 Carcinome testiculaire d’apparence métastatique: le 28 janvier 2019, à 17 h, Vadim a le sentiment de chuter dans le vide quand le Pr Laubscher, médecin-chef de service de pédiatrie au RHNe, nomme la cause des grosseurs et rougeurs qui l’ont poussé à consulter. «A ce moment-là, je ne suis ni fâché, ni triste, se souvient Vadim. Quand une telle bombe nous tombe dessus alors qu’on est tout juste majeur, on ignore comment réagir. J’étais démuni, vidé. Ma mère a fait l’effort de ne pas pleurer. Heureusement, car c’est une chose que j’ai ensuite toujours répétée à mes parents: si vous voulez pleurer, ce n’est pas devant moi. Je n’ai pas besoin de ça.»

Vadim se remémore son état d’esprit après le diagnostic: «Les pronostics étaient excellents. Mais j’ai quand même dû faire le deuil de ma vie d’avant et accepter ma pathologie afin de garder une attitude positive.» Conserver un lien fort avec l’extérieur et une vie sociale active ont également été deux points fondamentaux pour lui. Tout comme la promesse qu’il s’était faite dès le début: c’est lui qui prendra les décisions à chaque étape du combat. «Le soutien de l’entourage est primordial et positif, mais peut nous amener à des choix qui ne sont pas les nôtres», estime-t-il.

Après une intervention chirurgicale, Vadim entame un cycle de trois chimiothérapies visant à réduire les ganglions atteints. Pour cela, il alterne durant trois mois une semaine à l’hôpital et deux à la maison. «J’avais perdu mes cheveux et mes ongles, mais malgré tout, cette période, je l’ai bien vécue. Le personnel du RHNe m’a permis d’évoluer dans un univers qui ne ressemblait pas à un hôpital. Je me sentais à la maison.» De son traitement, il préfère ainsi garder le souvenir de conversations enrichissantes avec les soignants, de leur séance de tirs au but improvisée dans le parc de Pourtalès, de beaucoup de rires. «Je souhaite remercier le Pr Laubscher ainsi que Marylaure Reina, Mélanie Maubert et Pedro Carvailhais Cascao qui m’ont tant soutenu. C’était primordial pour moi que les gens ne me traitent pas comme si je n’étais plus rien d’autre qu’un malade. Ma famille et mes amis l’avaient aussi bien compris: il n’y a jamais eu de place pour les lamentations.» Mais les proches sont parfois en décalage, reconnaît Vadim. «Mes parents me parlaient de guérison, de ce que je ferai après la maladie, alors que moi j’étais en plein dedans. Il y avait peut-être une guérison au bout du tunnel, mais je devais me concentrer sur le présent, sur les étapes obligatoires à franchir. Instaurer ces paliers m’a servi à regarder avec fierté ce que j’avais accompli, tout en restant clairvoyant sur le chemin qu’il me restait à parcourir.»

Vadim a pu effectuer deux stages au RHNe pour découvrir le travail des soignants

Pour se projeter dans le futur, Vadim préfère alors se focaliser sur sa nouvelle vocation pour la médecine, née durant cette première épreuve. Le passionné de foot, qui se destinait auparavant à une carrière de journaliste sportif, observe ainsi avec intérêt le rythme effréné des soins intensifs, les prouesses au quotidien du personnel médico-soignant, l’importance de son empathie dans l’évolution des patients.

Quand le jeune homme peut enfin rentrer chez lui, la rupture avec le monde médical est ressentie comme un deuil: «Soudain, on se retrouve seul face à son vécu, sans cette équipe qui partageait notre quotidien, sans objectif, sans occupation concrète. On n’a plus d’identité, on la cherche. À mes yeux il est important, tout au long de la maladie et après, d’avoir recours à un soutien psychologique.»

« Je souhaite faire une carrière hospitalière. Au RHNe, si possible. »

Car contre toute attente, après une rémission en 2019, la maladie attaque de nouveau, ailleurs, avec force. Le 23 mars 2020, Vadim apprend qu’il est atteint d’un tératome pulmonaire retropéritonéal. «J’étais plus objectif que la première fois, raconte-t-il d’une voix toujours calme. C’est à ce moment-là que j’ai rempli mes directives anticipées, avec la précieuse aide de mon médecin.» Avant l’opération pulmonaire aortique prévue le 12 avril 2020 à l’Hôpital de l’Île à Berne, l’étudiant souhaite aussi prendre congé de ses parents et amis. «Tout pouvait s’arrêter à cette date. Avec mes directives, j’avais déjà pu mettre ma vision au centre du débat: j’étais trop jeune pour m’envoler. Je m’étais déjà tellement battu, je n’avais pas envie de m’arrêter là. Mais je voulais aussi saisir l’opportunité de dire les choses qui m’importaient à ceux que j’aimais. J’ai remercié mes parents pour tout ce qu’ils avaient été pour moi et fait des appels vidéo avec tous mes amis.» Malgré l’incertitude, il garde un moral d’acier grâce à la confiance qu’il porte à ses médecins. «Ils étaient positifs, alors je l’étais aussi, même si je reconnais que signer mes directives a été un moment très difficile.»

Avril 2021: nouveau retour à la maison. Et ce même vide déjà ressenti. En attendant la rentrée scolaire, Vadim décide alors de… retourner à l’hôpital! Mais côté soignants, cette fois-ci. Pour donner suite à sa demande, le RHNe lui a en effet permis d’effectuer un stage d’observation d’une semaine aux soins intensifs et un stage d’un mois en soins palliatifs, à la Chrysalide. Une première incursion dans le monde hospitalier au bilan très positif pour le jeune homme. «Aux soins intensifs, j’ai aimé le fait que l’équipe doit tout donner sur peu de temps pour aider. Je suis conscient d’avoir une déficience motrice de la main qui pourrait m’empêcher d’y travailler. Si c’était le cas, je me dirigerais vers les soins palliatifs. La fin de vie est aussi une étape importante de notre existence et ne doit pas être négligée. On reste quelqu’un, on a toujours des objectifs, certes plus petits, mais qu’on a vraiment envie d’accomplir. Par exemple, manger un plat en particulier: on pense rarement à ces détails, mais ce sont ces petits souhaits qui amènent le patient à vivre et qu’il faut entendre.»

En août 2021, après trois ans d’arrêt forcé, Vadim a repris le chemin des études dans un établissement lausannois en vue d’obtenir sa maturité fédérale. Malgré son envie de travailler un jour dans le domaine médical, il ne se met pas la pression: «Pour maximiser mes chances, je dois être conscient de mes capacités, mais aussi des obstacles à traverser. Si je n’arrive pas à faire médecine, je ferai une autre carrière hospitalière. Au RHNe, si possible.» Et d’envisager la suite avec sérénité: «Je suis sous surveillance médicale rapprochée, car mon cancer est agressif. Je suis quelqu’un de très positif. Je ne peux pas dire que je suis guéri, car cela ne marche pas comme ça malheureusement. Mais à présent, les lésions sont en régression constante, le taux de tumeur dans le sang est normalisé et je suis content de me dire: c’est une super belle rémission.»