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Par Clémence Planas

Mycky est séropositif depuis 30 ans.
 Photo © Guillaume Perret

Porteur du VIH depuis trente ans, Mycky raconte son chemin de vie avec cet ennemi invisible qui a fait 40 millions de victimes dans le monde depuis les années 1980.

«Quand j’ai appris que j’avais chopé cette m****, ma vie s’est arrêtée.» Le regard doux, la voix posée, Mycky a accepté de partager son chemin de vie avec le virus de l’immunodéficience humaine, dit VIH, sans colère mais avec pudeur. Son combat débute il y a trente ans. Le nombre de nouvelles infections connaissaient alors une augmentation sans précédent. À l’époque, faute de traitements véritablement efficaces, vivre avec le VIH signifiait trop souvent mourir du sida: «Je me considérais comme un prisonnier dans le couloir de la mort.»

À la peur de mourir s’ajoutent immédiatement la honte et la crainte du regard des autres: «Dans les années 1990, parler de son homosexualité et de sa séropositivité n’était pas aussi simple qu’aujourd’hui. Les gens avaient peur d’être contaminés par une simple poignée de main. Beaucoup d’idées reçues étaient véhiculées, comme le fait que le virus trouvait son origine chez les singes. On racontait aussi que c’était une punition divine.» Pour ne pas avoir à vivre les insultes et les discriminations, Mycky a donc choisi, pendant plus de quinze ans, de garder le silence. Seuls son compagnon et le corps médical étaient dans la confidence.

Très rapidement, même s’il ne nourrit que peu d’espoirs de survie à long terme, le Neuchâtelois prend part à des protocoles de recherche aux Hôpitaux universitaires de Genève: «Participer à l’élaboration d’un traitement me dédouanait un petit peu de mes actes. J’avais fait une bêtise et je devais racheter ma conduite.»

En parallèle, les médecins lui prescrivent des médicaments. Mais les effets secondaires sont importants: «La fatigue, les nausées, les vomissements, les diarrhées. Je devais prendre ces cachets plusieurs fois par jour, à heure fixe. Cela impactait considérablement ma qualité de vie. Durant cette période, ma tête était comme une boule à neige que l’on secoue et dont les flocons tourbillonnent sans fin.»

«Alors que j’écoutais le témoignage d’une jeune femme accidentée par un chauffard, j’ai eu un déclic: il fallait moi aussi que je partage mon expérience.»

Dans les années 2000, Mycky pousse la porte du service d’infectiologie du RHNe. Les trithérapies antirétrovirales offrent alors de nouvelles perspectives aux personnes infectées par le VIH: elles contiennent l’action du virus et empêchent le sida de se déclarer. Au fil des ans, le nombre de cachets à prendre se réduit, tout comme les effets secondaires. Le couloir de la mort s’éloigne pour Mycky, mais le silence, lui, se fait de plus en plus pesant: «En 2010, alors que j’écoutais le témoignage d’une jeune femme accidentée par un chauffard, j’ai eu un déclic: il fallait moi aussi que je partage mon expérience, que je parle enfin de ma vie avec ce virus.»

En 2022, l’ONU a recensé 1,3 million de personnes nouvellement infectées par le vIH. Les maladies liées au sida ont fait, cette même année, 630 000 victimes. En raison de lacunes en matière de prévention et de traitements, les populations d’Afrique subsaharienne restent vulnérables, particulièrement les filles et les jeunes femmes qui représentaient, 46% des nouvelles infections. Photo © Guillaume Perret

Sur conseil de son médecin traitant, Mycky approche alors le «projet école», un programme de témoignages de personnes séropositives dans les établissements scolaires suisses, aujourd’hui stoppé pour raisons budgétaires. Il suit d’abord une année de supervisions durant laquelle il apprend à parler de son vécu. Il fait la connaissance d’autres personnes vivant avec le VIH: «Notre première rencontre a été magique. J’ai été accueilli comme une personne normale. Nous partagions tous les mêmes problèmes, je me suis senti moins seul.»

Puis, durant quatre ans et en binôme, le Neuchâtelois livre son témoignage aux écolier-ère-s romand-e-s et diffuse des messages de prévention: «Parler m’a apaisé. Je me suis réapproprié mon corps et mon identité en dehors du virus.»

Aujourd’hui, Mycky mène une vie normale. Grâce aux traitements, son espérance de vie est identique à celle d’une personne non porteuse du VIH: «Je continue à faire des contrôles tous les trois mois. Le virus est indétectable dans mon sang et donc intransmissible. Pourtant, la peur de contaminer autrui est toujours présente, sans doute les restes du passé. Il m’arrive aussi de parler au virus, de passer un marché avec lui: je lui donne son médicament tous les matins et il me fiche la paix.»

Parler aux écolier-ère-s l’a incité à faire de même avec des collègues et proches, même si certain-e-s ignorent encore sa séropositivité: «Je l’ai annoncé à ma maman de cœur l’an passé seulement. Elle a bien réagi. Cela m’a soulagé d’un poids énorme. Désormais, je ne ressens plus le besoin d’en parler à d’autres.»

Le VIH est, à l’heure actuelle et sous nos latitudes, considéré comme une maladie chronique, sous réserve d’un dépistage précoce et d’une prise régulière de médicaments: «Si je devais mener un dernier combat, ce serait celui d’inciter les personnes séropositives qui souffrent d’effets secondaires à ne pas arrêter leurs traitements. Certaines le font et cela peut avoir des conséquences délétères sur leur santé!»

Mycky place toute sa reconnaissance envers les soignant-e-s, toujours disponibles et à l’écoute. Il participe, toujours aujourd’hui, à des études cliniques pour améliorer encore la prise en charge du VIH.

 

Sur le même sujet:

«Faut-il encore avoir peur du VIH?», conférence publique du RHNe, organisée le 14 décembre 2023, sur le site de Pourtalès, à Neuchâtel, avec le témoignage de Mycky  et les explications de:

  • Dr Olivier Clerc, médecin-chef du service d’infectiologie, RHNe
  • Dre Andréa Künzli, médecin-cheffe adjointe au sein du service d’infectiologie, RHNe
  • Marielle Grosjean, infirmière spécialisée en infectiologie, RHNe
  • Vincent Jobin, responsable du dépistage au sein de l’association Générations Sexualités Neuchâtel (GSN)
  • Claude Bonjour, responsable du secteur soutien-accompagnement au sein de l’association Générations Sexualités Neuchâtel (GSN)

    La situation épidémiologique du VIH dans le monde