Sélectionner une page
Prof. Dr. méd. Alend Saadi, médecin-chef au département de chirurgie et responsable du Centre de l'obésité du RHNe

Sep 15, 2025 | Expertise & Conseils

Obésité: les oublié-e-s des nouveaux traitements

Par Prof. Dr. méd. Alend Saadi, médecin-chef au département de chirurgie et responsable du Centre de l'obésité du RHNe

Prof. Dr. méd. Alend Saadi, médecin-chef au département de chirurgie et responsable du Centre de l'obésité du RHNe

Prof. Dr. méd. Alend Saadi © Guillaume Perret

Faut-il vraiment attendre qu’une personne devienne diabétique ou hypertendue pour l’aider à perdre du poids?

 

Régulièrement, je vois la frustration de certain-e-s patient-e-s adressé-e-s à notre Centre de l’obésité. Ils/elles souffrent de leur poids, mais ne remplissent pas les critères d’accès aux nouveaux médicaments ni à la chirurgie bariatrique.

Les traitements comme le Wegovy permettent pourtant une perte de 10 à 20 % du poids total. Une avancée majeure pour celles et ceux qui y ont droit.

Mais les règles actuelles laissent de côté de nombreuses personnes en Suisse, probablement près d’un million: celles avec un indice de masse corporelle (IMC) entre 28 et 34,9, sans diabète, sans hypertension ni trouble du cholestérol.

Ces patient-e-s ne sont pourtant pas toujours «en bonne santé». Ils/elles vivent déjà avec des douleurs articulaires, une mobilité réduite, un essoufflement à l’effort, parfois des reflux gastriques ou encore une baisse d’estime de soi… Autant de symptômes qui pèsent lourdement sur leur vie quotidienne, privée comme professionnelle. Mais faute de complications «officiellement reconnues», leur seul traitement reste un changement de mode de vie. Indispensable, certes, mais rarement suffisant pour une perte de poids durable.

C’est une zone grise profondément frustrante: assez en surpoids pour souffrir, mais pas assez «malades» pour bénéficier d’un traitement efficace.

La question est donc simple: doit-on attendre qu’un diabète ou une hypertension apparaissent pour les soigner? Ou agir plus tôt, en prévention, pour éviter justement ces complications — et bien d’autres encore? Certain-e-s, à la limite, ne seront-ils/elles pas tenté-e-s de prendre volontairement du poids pour atteindre les critères?

Car les limites actuelles ne sont pas médicales. Elles sont économiques. Et à court terme seulement.

 

Surpoids, obésité et leur impact en Suisse

 

Critères d’accès aux traitements

Les nouveaux traitements comme le Wegovy permettent une perte de poids de 10 à 20 % – une avancée majeure, mais réservée à certaines personnes en Suisse. Pour y avoir accès, il faut avoir un IMC ≥ 35 ou un IMC ≥ 28 associé à une complication reconnue, telle que le diabète, l’hypertension ou la dyslipidémie. La prescription est limitée aux endocrinologues/diabétologues FMH et aux centres de l’obésité certifiés SMOB (Swiss Multidisciplinary Obesity Society).

Par ailleurs, le traitement ne peut être poursuivi que s’il est efficace: une perte d’au moins 5–7 % du poids est exigée à 16 semaines ou 10–12 % après 6 mois. Son coût est d’environ 180 CHF pour quatre semaines (soit 2340 CHF par an), avec un remboursement possible jusqu’à trois ans si les critères sont remplis.

On estime qu’entre 400 000 et 600 000 personnes sont éligibles aux traitements médicamenteux en Suisse. Pourtant l’année dernière, seules 40 000 personnes ont bénéficié de l’un de ces traitements.

 

Plus d’une personne sur deux

En Suisse, plus d’une personne sur deux est en surpoids (IMC ≥ 25). Selon les derniers chiffres de l’Office fédéral de la santé publique en 2022, cela concernait 52,3 % des hommes et 33,8 % des femmes. Parmi ces personnes, 13,2 % des hommes et 11 % des femmes vivent avec de l’obésité (IMC > 30). Soit environ un million de personnes, dont 200 000 présenteraient une obésité sévère (IMC ≥ 35).

L’obésité se décline en trois degrés: modérée (classe I, IMC ≥ 30), sévère (classe II, IMC ≥ 35) et morbide (classe III, IMC ≥ 40).

 

Le coût du surpoids

L’impact économique du surpoids et de l’obésité est pourtant considérable: il est estimé entre 3,5 et 5,2 milliards CHF en Suisse en 2021 (source: Steinl D et al., Front Public Health 2024).

Seuls 3 % des coûts sont liés aux traitements directs, le reste étant dû aux complications:

  • 28,5 % sont liés aux atteintes ostéo-articulaires, principalement du genou
  • 21,5 % au diabète
  • 13,8 % à la dépression
  • 12,5 % à l’hypertension
  • 9,8 % aux AVC
  • 7,8 % aux maladies hépatiques

 

Notre expérience au RHNe

Dans notre expérience au Centre de l’obésité du RHNe, la mobilité réduite et le souffle court sont de loin les premières préoccupations des personnes qui consultent, suivies par des préoccupations liées à l’image corporelle, à la possibilité de s’habiller correctement et à l’estime de soi.

Les demandes se situent souvent dans les catégories des atteintes ostéo-articulaires et des affections psychologiques, qui figurent parmi les plus coûteuses. On observe ainsi une rencontre entre les souhaits exprimés par les patient-e-s et certaines problématiques médicales. En revanche, les atteintes métaboliques — telles que le diabète, l’hypertension ou la dyslipidémie — sont plus rarement le motif principal de consultation en lien avec le poids. Ces critères, bien que cliniquement pertinents, ne correspondent pas toujours aux priorités ressenties par les patient-e-s, ce qui crée un décalage entre leurs aspirations et les exigences de la réglementation.

 

 

Articles récents

Blog

Les soins de demain se construisent aujourd’hui

Les soins de demain se construisent aujourd’hui

Alors que les enjeux climatiques s’imposent désormais à tous les secteurs, le monde de la santé amorce lui aussi sa transition. À la tête du Réseau romand des soins durables (RRSD), Isabelle Da Ernestho Crespin et Salomé Bielser œuvrent pour que durabilité et qualité...

lire plus