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Maxime Haubry

Juil 17, 2025 | Expertise & Conseils

«Nous avons mis l’accent sur le vécu des parents»

Par Brigitte Rebetez, en collaboration avec Arcinfo

NEUCHÂTEL – Pour mieux détecter une fragilité sociale ou psychique, la maternité du RHNe s’est dotée de deux outils. Ils s’ajoutent à d’autres mesures adoptées pour améliorer le vécu des patientes.

 

Maxime Haubry, sage-femme chef d’unité.

«Dans notre philosophie de soins, nous nous efforçons de donner de l’importance à l’expérience du vécu», explique Maxime Haubry.

La maternité du Réseau hospitalier neuchâtelois (RHNe) dispose de prestations pour mieux prendre en charge les femmes à risque de vulnérabilité au plan psychique ou social: il s’agit d’un entretien prénatal précoce, qui peut être sollicité par toute future maman, et d’un entretien post-partum réalisé avec les couples ayant eu un vécu difficile de l’accouchement. Les explications de Maxime Haubry, sage-femme chef d’unité.

 

 

 

La prise en charge à la maternité va bien au-delà des aspects strictement médicaux…
Maxime Haubry: Les prestations se sont effectivement passablement développées, en particulier ces dernières années. Il y a une meilleure intégration des conjoints et un focus sur le vécu des parents. Nous allons plus loin que les considérations de la littérature, qui se limitent généralement à l’aspect somatique. Or, le ressenti est nettement moins documenté et c’est justement cela que les parents vont garder en mémoire… Si une maman est bien accompagnée lors d’une naissance difficile, son vécu ne sera pas forcément mauvais. D’où l’importance d’offrir à chacune un suivi et une écoute personnalisés durant les différentes étapes de la maternité. Dans notre philosophie de soins, nous nous efforçons de donner de l’importance à l’expérience du vécu.

Par exemple?
Pour répondre aux demandes des futures mères qui souhaitent un accouchement physiologique, l’espace Ava a été créé en 2016 dans le périmètre de la maternité. Nous avons introduit des consultations d’acupuncture et d’hypnose pour aider les femmes qui le demandent à gérer les angoisses, l’anxiété ou la douleur. Nous proposons aussi deux types de cours de préparation à la naissance (traditionnel ou en piscine), des séances d’information mensuelles ainsi que des consultations avant et après la naissance. Quand les patientes sortent de la maternité aujourd’hui, on entend beaucoup plus souvent que leurs désirs ont été pris en compte!

En quoi consiste la consultation pré-partum?
Les futurs parents sont reçus par une sage-femme pour une première consultation à 34 semaines de grossesse. C’est l’occasion pour eux de faire connaissance avec la maternité et de pouvoir échanger. Une anamnèse est effectuée et le couple est invité à faire part de ses souhaits à propos du déroulement de la naissance. En parallèle, les patientes ont aussi la possibilité de s’entretenir avec une sage-femme conseil dont le rôle est d’offrir un suivi en cas de vulnérabilié. À noter que ces consultations-là peuvent être initiées avant la 34e semaine. Des situations à risque sont aussi adressées aux sages-femmes conseil par les gynécologues, les pédiatres ou les sages-femmes indépendantes, c’est un réseau qui fonctionne bien depuis plusieurs années.

Depuis juin 2023, il est possible d’avoir un entretien prénatal précoce à la maternité. Son objectif?
Cette possibilité de consultation s’adresse à toutes les femmes enceintes: nous les recevons plutôt seules qu’en couple, dans le but de pouvoir détecter d’éventuels problèmes dans le couple. L’idée est de les accueillir dès 24-25 semaines de grossesse, pour qu’elles puissent parler de leurs craintes ou d’une situation problématique. Il est important de voir ces futures mères suffisamment tôt, pour leur permettre de tisser un lien de confiance avant l’arrivée du bébé. Pour nous autres soignants, connaître ces femmes dans leur contexte nous permet de les accompagner au mieux. J’ai consacré mon travail de master à créer un outil de détection du risque de vécu difficile d’accouchement, car il s’avère que certains facteurs de risque sont décelables dans la phase prénatale. Les gynécologues et le personnel médicosoignant de l’hôpital ont été informés de cette possibilité d’entretien précoce. Ils peuvent en parler aux patientes, qui choisiront – ou non – de prendre contact avec nous.

Maxime Haubry, sage-femme chef d’unité. @Xavier Voirol

Maxime Haubry, sage-femme chef d’unité. @Xavier Voirol

Vous menez un entretien post-partum avec toutes les patientes. Dans quel but?
En travaillant sur les expériences vécues durant un accouchement, j’avais collaboré avec la Pre Antje Horsch, responsable de recherche au CHUV à Lausanne. Ses études portent sur l’incidence du stress et du traumatisme sur la santé mentale des parents et de leurs enfants durant la période périnatale. Dans la mesure où une naissance perçue comme difficile peut avoir un impact ultérieur, je mène depuis 2021 des entretiens avec des patientes qui ont vécu un accouchement compliqué. Nous avons constaté que cette intervention avait des retombées positives. C’est pourquoi, depuis septembre 2023, cinq sages-femmes spécialement formées assument cette prestation. Lorsqu’un ressenti négatif est décelé lors du séjour par l’équipe de sages-femmes et nurses, elles proposent un entretien à la patiente 6 à 8 semaines plus tard. Il se déroule dans une salle de consultation neutre, hors de Pourtalès, pour éviter une connotation hospitalière. Ce rendez-vous constitue un outil de prévention secondaire.

C’est-à-dire?
C’est une porte d’entrée qui peut donner lieu à une prise en charge. Il faut savoir que les séquelles d’un accouchement mal vécu peuvent s’apparenter à un stress post-traumatique et générer de l’anxiété, des problèmes de couple, de développement psychomoteur de l’enfant… Pour mieux détecter ce problème, nous avons introduit un questionnaire centré sur l’expérience vécue, développé par l’Université de Genève. Il sera remis à toutes les mères avant leur départ de la maternité.

 

 

Stress post-traumatique du postpartum

«Les études portant sur le trouble de stress post-traumatique (TSPT) du postpartum concluent à des prévalences variables, estimées à 3% en population générale et à 18% dans les populations à risque, selon une méta analyse récente», indique un article rédigé par trois spécialistes des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) et publié dans la Revue médicale suisse. En relevant ce paradoxe: alors que dans notre société la naissance est désignée comme un événement heureux, «l’accouchement apparaît fréquemment associé à un vécu traumatique par les femmes, jusque dans 43% des cas, selon une étude».

Dans sa conclusion, la publication signale «(…) qu’une grande proportion de femmes est exposée à un vécu traumatique de leur accouchement, mais que seule une faible part développe des troubles post-traumatiques en rapport. Le fait de développer un TSPT dans ce contexte est influencé par des facteurs de risque préexistant à l’accouchement, dépendant de l’accouchement et suivant l’accouchement. Nous notons que ce trouble engendre une grande souffrance chez la mère et retentit sur la qualité du lien mère-enfant.»

 

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