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Médecine, chirurgie, soins palliatifs, réadaptation… Les soignants volants changent chaque jour d’unité sur les cinq sites du RHNE, en faisant preuve d’une grande capacité d’adaptation. Témoignages.


Tania Garcia Santos, l’une des s infirmières de l’équipe volante. / Photos © Guillaume Perret / Lundi13

On l’appelle la «volante». Sa mission? Remplacer au pied levé les absences dans les services de l’hôpital. L’équipe volante est donc un maillon essentiel pour assurer la continuité des soins. Elle est formée de 48 collaborateurs – des infirmières, des assistants en soins et santé communautaire, des aides-soignants et aides-infirmiers – appelés à travailler sur les cinq sites du Réseau hospitalier neuchâtelois (RHNE). «Ce sont des personnes mobiles, qui font preuve d’une grande capacité d’adaptation», précise Edith Rota, l’infirmière responsable de la coordination des ressources. «Comme pour les autres soignants, leurs jours de travail sont définis à l’avance. Mais ils sont informés chaque jour à 16h dans quelle unité ils seront affectés le lendemain.» En principe, ils sont rattachés à un hôpital, mais peuvent être envoyés sur tous les sites du RHNE, y compris La Chrysalide.

Des formations complémentaires ont été délivrées aux infirmières de l’équipe, qui interviennent dans des unités spécifiques, comme la pédiatrie ou les soins intensifs. Sitôt son diplôme d’infirmière en poche, Tania Garcia Santos a choisi d’intégrer la «volante» en novembre 2019. «Travailler chaque jour dans une unité différente, ne pas être dans une routine est très formateur! Cela demande une certaine capacité d’adaptation et c’est un bon challenge», témoigne-t-elle. Pour sa collègue Caroline Naas, «passer des soins aigus à la réadaptation ou aux soins palliatifs m’oblige à me questionner sur ce que je fais, comment je le fais et pourquoi… On ne travaille jamais avec les mêmes collègues ou médecins, chaque journée se déroule dans un cadre différent.»

1300 journées de travail remplacées en décembre 2021 au Réseau hospitalier neuchâtelois.

Des prises en charge qui varient
D’un service à l’autre, le travail diffère au gré des pathologies. «Il y a certes des similitudes, mais les tâches découlent de l’état du patient. En chirurgie, on peut avoir des personnes opérées qui souffrent en même temps de plusieurs affections relevant de la médecine», explique Amadou Pountouenchi Kam, aide-infirmier à la «volante». «Il y a plusieurs manières d’aborder un patient. En médecine et gynécologie, l’approche est similaire, par contre tout change en chirurgie orthopédique. Quand une personne opérée ne peut pas se servir de ses deux jambes, il faut savoir quels moyens auxiliaires utiliser. A-t-elle besoin de matériel spécifique pour être mobilisée, comme une cigogne? Heureusement, nous pouvons nous renseigner auprès de la physiothérapeute, qui nous informe sur la manière d’appréhender le patient.» Entre médecine et chirurgie, «les prises en charge sont assez différentes», confirme Tania Garcia Santos, en précisant que «cette polyvalence nous oblige à continuer à apprendre en permanence et à connaître nos limites.» Selon nos interlocuteurs, le plus gros défi pour l’équipe est de s’adapter à l’organisation du secteur dans lequel ils sont parachutés. «Débarquer dans un service où l’on remplace moins souvent, c’est compliqué, il faut toujours demander où sont les choses. Dans les autres, ça roule», réagit Tania Garcia Santos. «Chaque service a ses subtilités, il n’y a pas d’uniformité. Par exemple, l’organisation de la médecine est différente dans chaque hôpital», constate Caroline Naas. «Quand on a besoin de quelque chose rapidement, on peut prendre du temps à chercher.» Amadou Pountouenchi Kam rapporte «qu’il faut mémoriser l’emplacement de chaque chose dans chaque service, sinon on se sent gêné quand on doit poser toujours les mêmes questions. Je crois que je suis allé partout maintenant, ce n’est plus trop un problème.»

Passer des soins aigus à la réadaptation ou aux soins palliatifs m’oblige à me questionner sur ce que ce que je fais, comment je le fais et pourquoi.” CAROLINE NAAS INFIRMIÈRE «VOLANTE»

Faculté d’adaptation
Et du côté des «fixes», comment sont-ils perçus? «La faculté d’adaptation des collaborateurs volants est exceptionnelle», réagit Sophie Jobard-Cattin, infirmière cheffe d’unité de soins (ICUS) en médecine générale, avec spécialisation en oncologie. «Comme ils changent d’unité quotidiennement, ils doivent sans cesse réajuster leurs pratiques.» Interrogée sur l’impact d’une absence dans son équipe (37 collaborateurs, dont 8 en activité par jour), elle explique «qu’une désorganisation s’installe très vite en début de service si elle est annoncée le matin même, ce qui est normal.» Sitôt prévenue, la Coordination des ressources «fait tout son possible pour trouver un remplaçant. «Elle parvient le plus souvent à nous proposer quelqu’un, mais la personne peut arriver plus tard dans la journée: si elle travaille sur un autre site, il y a le temps de déplacement. Pour nous, dans l’unité, c’est très agréable et rassurant de pouvoir compter sur un remplaçant de l’équipe volante, car ils connaissent le fonctionnement de l’institution.» Durant la pandémie, l’équipe volante a évidemment été très sollicitée. «Nous étions plusieurs à travailler dans l’unité ventilée où les décès étaient nombreux. On tournait un peu pour éviter d’être en permanence confrontés à des situations émotionnellement lourdes», se remémore Tania Garcia Santos, qui regrette toutefois le manque de reconnaissance à l’égard de la «volante» pendant cette période. Pour sa part, Amadou Pountouenchi Kam n’a pas éprouvé de stress particulier au temps du Covid. «C’est peut-être lié à mon passé», glisse-t-il. «Je travaillais auparavant dans un hôpital au Cameroun où nous étions confrontés à des épidémies, comme le choléra ou Ebola.» Quant à Caroline Naas, si elle reconnaît que «les charges de travail étaient plus importantes durant la pandémie», elle pense surtout à sa cheffe: «C’est elle qui était sous pression! Et mes proches qui s’inquiétaient pour moi, craignant que j’attrape le virus au contact des malades. A chaque fois, je leur répondais que soigner les gens, c’est mon métier!»

Les remplacements ont doublé en 2021

Le Réseau hospitalier neuchâtelois emploie 730 infirmiers·ères, 161 infirmiers·ères spécialisés·es, 95 assistants·es en soins et santé communautaire, 110 aide-soignants·es et 38 aide-infirmiers·ères. Avec de tels effectifs, organiser les remplacements à la dernière minute est un défi digne d’une tour de contrôle. Trois collaborateurs travaillent à la Coordination des ressources pour gérer les absences, dont un répondant pour celles de moins de 24h, un autre pour les plus longues. Leur hotline assure un service de garde jusqu’à 22h pour s’occuper des remplacements immédiats, ceux de la nuit ou du lendemain matin. Si les demandes excèdent les capacités de l’équipe volante, les coordinateurs font appel à un pool de collaborateurs externes et, en dernier recours, à des intérimaires. «Covid oblige, notre activité a doublé l’an dernier», précise Edith Rota, «notamment parce qu’il y avait beaucoup plus d’absences. En moyenne, nous avons assuré 1000 remplacements par mois en 2021, contre 500 à 600 en temps normal. Il y a même eu un pic à 1300 en décembre, à cause de la pandémie et des affections saisonnières. La ‘volante’ est essentielle pour faire tourner l’hôpital!» Le RHNE propose entre 350 et 380 lits, suivant les flux des patients. Un chiffre qui a largement été dépassé ce printemps: pendant la première quinzaine de mai, par exemple, plus de 400 patients étaient hospitalisés. La coordination des ressources s’est chargée de trouver les soignants pour les chambres ouvertes en supplément.