Par Clémence Planas
Dre Julie Delaloye, poète et infectiologue au CHUV, en visite au RHNe pour l’événement «Poésie à l’hôpital». Photo © Clémence Planas
Du 20 au 29 mars, le RHNe a participé, pour la première fois, à l’événement «Poésie à l’hôpital», dans le cadre du Printemps de la poésie. Chaque jour, les patient-e-s hospitalisé-e-s ont reçu un texte sur leur plateau-repas. Une démarche initiée dans plusieurs hôpitaux romands en 2016 par la Dre Julie Delaloye, poète, auteure notamment du recueil Malgré la neige et Dans un ciel de février aux éditions Cheyne) et infectiologue au CHUV, à Lausanne. Rencontre.
Pourquoi cette envie de faire entrer la poésie à l’hôpital ?
Dre Julie Delaloye : J’ai toujours été sensible à la poésie. J’ai commencé à rédiger des textes dès l’âge de 12 ans. A 22 ans, j’ai dû faire face à la perte douloureuse de ma maman. Durant son hospitalisation, la poésie m’a apporté beaucoup de réconfort. J’ai donc eu envie d’offrir ce même soutien aux patients hospitalisés. D’abord au CHUV, car j’y travaille comme infectiologue aux soins intensifs, puis la démarche a vu le jour dans plusieurs hôpitaux romands, au fur et à mesure de mes passages dans ces structures. Le RHNe est le dernier hôpital en date à faire entrer la poésie à l’hôpital. J’en suis extrêmement ravie.
Dans ma pratique aux soins intensifs, le corps est souvent blessé, malade. J’essaie de le sublimer dans mes poèmes. Je crois en la beauté de la vie d’autant plus que je côtoie souvent la mort.” DRE JULIE DELALOYE, POÈTE ET INFECTIOLOGUE AU CHUV
Les retours sont très positifs ! Les patients hospitalisés sont souvent dans un état de fragilité et se sentent parfois seuls dans leur souffrance. La poésie, comme toute autre forme d’art thérapie, permet d’ouvrir une fenêtre sur le monde et provoquer un dialogue nécessaire au bien-être.
Est-ce que la poésie fait de vous un meilleur médecin ?
Je l’espère. Pour moi, la poésie va au-delà des mots. Elle est une façon de voir la vie, elle est une quête de l’imperceptible, du mystérieux. Dans ma relation avec mes patients, elle m’apprend à offrir une écoute empathique. D’être avec eux, ici et maintenant. Je dispense par ailleurs un cours de Medical humanities (ndlr : sciences humaines en médecine) à la Faculté de médecine de l’Université de Genève. Nous y analysons des œuvres littéraires sous l’angle des relations humaines. Certaines situations décrites par leurs auteurs sont riches en enseignement. Je pense, par exemple, à «La Peste» de Camus, qui donne des pistes intéressantes sur la manière dont une société peut fonctionner sous l’emprise d’une épidémie. Les étudiants n’apprennent pas ces choses-là durant leur cursus scientifique. Mais ils peuvent y être confrontés très vite une fois leur diplôme obtenu.
Probablement. Je me suis rendue compte que mes textes faisaient de plus en plus référence au corps. Dans ma pratique aux soins intensifs, il est souvent blessé, malade. J’essaie, du coup, de le sublimer dans mes poèmes. Je crois en la beauté de la vie d’autant plus que je côtoie souvent la mort. Je jongle parfois entre spleen et idéal, avec tout de même une préférence pour l’idéal.