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Par Pierre-Emmanuel Buss

Léonard Blatti, directeur des finances. Photos © Guillaume Perret / Lundi13

Le 10 février dernier, le Collège des directions et le Conseil d’administration ont présenté le budget 2023 aux cadres lors de rencontres organisées sur les sites de Pourtalès et de La Chaux-de-Fonds et aux médias. Un budget dans le rouge, avec un déficit de 12.6 millions de francs, qui aurait même atteint 30 millions sans le plan d’amélioration de l’efficience intégré au budget. La mise en œuvre de toutes les mesures prévues ne sera possible que si les sites hospitaliers sont désengorgés, ce qui nécessite un engagement résolu de tous les partenaires du système de santé. Les explications de Léonard Blatti, directeur des finances.

Le budget 2023 table sur une forte activité, mais sans que cela suffise pour couvrir les charges. Comment expliquez-vous ce paradoxe ?  

Léonard Blatti : Ce sont nos projections 2022 qui servent de point de départ pour construire le budget 2023. Cela signifie qu’il est tenu compte d’une activité importante mais également des conséquences financières de la saturation du dispositif, liées notamment à la présence de patients en attente de placement (lits C).

Avec les augmentations de charges auxquelles nous sommes confrontés pour 2022 et 2023, en particulier les effets de l’inflation ou les hausses des charges salariales, le coût de production de nos prestations est plus élevé qu’auparavant. Ce constat est d’autant plus problématique que les tarifs hospitaliers stagnent. Les efforts de rationalisation, déjà nombreux ces dernières années, intègrent des mesures pour 18 millions de francs au budget 2023. Cela reste insuffisant si l’on considère que le financement au titre des prestations d’intérêt général (PIG) a diminué de plus de 12 millions ces trois dernières années. Une baisse qui est survenue alors que notre attention était portée avant tout sur la gestion des flux, que ce soit pendant la crise du Covid ou celle de l’engorgement chronique de l’hôpital.

Quelle est votre marge de manœuvre pour améliorer les tarifs hospitaliers, aujourd’hui insuffisants pour couvrir nos charges ?

À la fin des années 2000 et début des années 2010, le Tribunal administratif fédéral (TAF) a pris des décisions qui n’étaient pas favorables aux hôpitaux en matière tarifaire. Ces derniers ont donc globalement été très frileux pour renégocier leurs tarifs, avec la peur qu’ils soient revus à la baisse. La grande majorité de nos tarifs ont été initialement conclus entre 2010 et 2015 et restent valables aujourd’hui. Ils ne prévoient pas une indexation automatique au coût de la vie, ce qui explique l’écart grandissant entre les coûts des prestations et les tarifs applicables.

Dans une toute récente décision du Conseil d’État neuchâtelois, le tarif SwissDRG du RHNe pour l’année 2019 a été fixé à 9’932.- au lieu de 9’650.- auparavant. Malheureusement, cette décision fait l’objet d’un recours ce qui reporte encore son entrée en vigueur et laisse encore planer un peu le doute sur ce niveau tarifaire. Néanmoins, une décision similaire rendue par le canton de Glaris a résisté à un recours au TAF. Ce dernier a en effet récemment pris des décisions qui nous laissent espérer d’obtenir des tarifs plus justes.

Dans ce contexte, les négociations restent difficiles et nous avons souhaité renégocier certains tarifs SwissDRG pour 2023, avec l’obtention de 1% de hausse en 2023 et 1% en 2024. Cela reste malheureusement insuffisant pour couvrir le renchérissement observé de l’ordre de 3%.

 

Nous avons dû reporter ou ne pas planifier, par manque de lits, entre 350 et 450 interventions en 2022, avec un manque à gagner estimé entre 4 et 5 millions de francs.” LÉONARD BLATTI, DIRECTEUR DES FINANCES

 

Le dispositif est saturé en partie en raison de la présence de patients en attente de placement. Quel est l’impact de cette situation sur les finances du RHNe ?

La problématique est double. D’une part, les prestations d’attente de placement que nous fournissons sont financées de manière insuffisante. Les tarifs applicables sont ceux d’un EMS alors que nous assumons les coûts d’une structure hospitalière. Et le financement PIG que nous percevons de l’État reste malheureusement insuffisant, bien que nous ayons pu obtenir, exceptionnellement pour 2022 et 2023, un financement à l’activité.

D’autre part, l’occupation de nos lits par ces patients nous empêche de prendre en charge les patients nécessitant une réelle prise en charge hospitalière. Nous avons ainsi dû reporter ou ne pas planifier, par manque de lits, entre 350 et 450 interventions en 2022, avec un manque à gagner estimé entre 4 et 5 millions de francs. L’objectif est de réduire ce manque à gagner au maximum en 2023.