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Les docteures Elisa Marchi, médecin-cheffe adjointe des soins intensifs (à g.), et Indira Amorim Araujo, médecin-cheffe du service de soins palliatifs.

Mai 22, 2025 | Expertise & Conseils

La communication au cœur des soins en fin de vie

Par Brigitte Rebetez, en collaboration avec Arcinfo

Tout projet thérapeutique doit tenir compte des souhaits des malades, a fortiori en fin de vie. Comment se déroule cette communication avec les patient-e-s? Les explications de deux médecins cadres du RHNe, Indira Amorim Araujo (la Chrysalide) et Elisa Marchi (soins intensifs).

En Suisse, on meurt rarement chez soi: la majorité des décès surviennent en EMS ou à l’hôpital. Et selon une recherche du Fonds national suisse sur la fin de vie, «la mort est en général précédée de décisions médicales et soignantes».

Cela signifie que chez 70% des personnes dont le décès n’a pas été soudain, une option a été prise en amont: ne pas engager de traitement, arrêter une thérapie ou soulager les symptômes et les douleurs au risque d’abréger la survie. «Bien que spécialistes de la survie, les équipes de soins intensifs sont souvent confrontées à la fin de vie. Mais la mortalité est bien moins élevée ici que ce qu’imaginent probablement les gens. Elle oscille entre 17% et 25% dans la littérature, mais n’est que de 6% dans notre service qui a une mission mixte de soins intensifs et de soins intermédiaires. Ces chiffres montrent que la plupart des malades survivent à l’hospitalisation aux soins intensifs», explique Elisa Marchi, médecin-cheffe adjointe des soins intensifs du Réseau hospitalier neuchâtelois (RHNe).

Dans le service, les compétences sociales et communicatives sont essentielles pour prendre en charge des situations complexes: informer le patient, expliquer, échanger pour comprendre ce qu’il attend des soins et s’entretenir avec la famille sont des tâches quotidiennes.

«Grâce aux techniques de réanimation, nous avons la possibilité de remplacer la fonction de la plupart des organes vitaux déficients. L’objectif de la réanimation étant de passer le cap de la défaillance aiguë qui entraînerait rapidement le décès sans notre intervention, et de permettre à la personne de retrouver sa vie d’avant», détaille la docteure.

Tout au long de l’hospitalisation, l’équipe médico-soignante prend le temps d’expliquer l’évolution et de répondre aux questions. La mise en place de mesures lourdes de réanimation est toujours discutée avec le malade ou, à défaut, avec les proches. Il arrive parfois que les patients refusent certaines d’entre elles. Il arrive aussi que les actes déployés s’avèrent inefficaces – on parle alors d’échec thérapeutique.

Les docteures Elisa Marchi, médecin-cheffe adjointe des soins intensifs (à g.), et Indira Amorim Araujo, médecin-cheffe du service de soins palliatifs.

Les docteures Elisa Marchi, médecin-cheffe adjointe des soins intensifs (à g.), et Indira Amorim Araujo, médecin-cheffe du service de soins palliatifs.

Droit fondamental

Connaître la volonté du patient est donc essentiel pour le personnel hospitalier, car le consentement constitue un droit fondamental en médecine. Mais comment procéder quand une personne est sous anesthésie, dans le coma ou incapable de discernement?

Sans instructions explicites de sa part, les médecins s’adresseront aux proches pour chercher à savoir quels auraient été ses souhaits. Une lourde responsabilité qui s’avère parfois difficile à assumer. C’est pourquoi la Dre Elisa Marchi recommande à chacun d’établir des directives anticipées (lire l’encadré).

«La communication autour de la fin de vie fait aujourd’hui partie de notre champ de compétences, relève l’intensiviste. Quand nous devons annoncer de mauvaises nouvelles, c’est difficile pour nous aussi. Mais nous devons nous assurer qu’il n’y a pas de place pour les malentendus et que la gravité de la situation soit comprise. Il faut expliquer avec simplicité, clarté et précision, tout en restant dans l’empathie. Quand la communication est bien faite, les tensions avec les familles sont rares.»

Unité hospitalière de soins palliatifs spécialisés du RHNe, La Chrysalide s’occupe de personnes atteintes de maladies incurables, tant à des stades précoces – pour traiter les symptômes et améliorer le bien-être – qu’en fin de vie. À l’admission, l’équipe pluridisciplinaire établit un lien avec le patient pour faire le point. «On parle de ses symptômes, de ses besoins. Mais aussi de son parcours, des choix qu’il a faits, de ses objectifs pour que nous puissions élaborer un projet thérapeutique», expose Indira Amorim Araujo, médecin-cheffe du service de soins palliatifs. Les proches sont d’emblée intégrés aux échanges si le patient a donné son accord.

En plus de la prise en charge médico-soignante classique, «nous nous intéressons aussi aux rêves, aux aspects sociaux, psychologiques, spirituels, aux besoins dans leur globalité… Certaines personnes formulent un vœu qui leur est cher – revoir la mer, leur pays d’origine, se réconcilier avec un proche… Il nous arrive d’accompagner un patient au concert ou au musée; d’autres veulent juste être aidés pour voir un notaire et faire leur testament», complète-t-elle.

À chacun ses priorités

Dans cette unité de douze lits, on constate que les soins sont personnalisés avec une attention portée aux détails. «Quand un patient est considéré et écouté en tant qu’individu, cela peut apporter de l’apaisement», constate Indira Amorim Araujo. «Car on sait qu’une maladie grave a tendance à prendre toute la place: de ce fait, notre but est de remettre la personne au cœur du présent après des années vécues sous l’emprise de la maladie.»

L’équipe pluridisciplinaire fait régulièrement le point sur les objectifs thérapeutiques. Lorsqu’une personne a choisi une chimiothérapie palliative pour allonger l’espérance de vie, il faut rediscuter des priorités si le traitement devient trop lourd: préférerait-elle opter pour une thérapie symptomatique exclusive, pour mieux profiter du temps qui lui reste? «Nous devons nous adapter et parler des décisions médicales de fin de vie. Certaines personnes veulent aller aux soins intensifs et prolonger la vie aussi longtemps que possible, d’autres pas, préférant laisser faire la nature, avec juste de quoi soulager les symptômes.»

L’important est d’accompagner la personne dans ce qui fait sens pour elle, tout en respectant les limites et la pertinence des moyens dont dispose la médecine actuelle.

 

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Conférence: Comment parler de la maladie chronique et de la mort? Un défi pour les soignant-e-s.

 

 

Soulager ses proches avec des directives anticipées

L’objectif des directives anticipées, c’est de préciser quels soins médicaux nous souhaitons recevoir – ou pas – après un accident grave ou dans la phase terminale d’une maladie. Être ou non réanimé, intubé, alimenté artificiellement, hospitalisé? Des formulaires sont téléchargeables gratuitement sur les sites de la Croix-Rouge suisse ou de la Fédération des médecins suisses (FMH). Mieux vaut s’y mettre tôt que tard, quitte à solliciter l’aide de son médecin traitant.

La Dre Elisa Marchi recommande aussi de penser à les actualiser, surtout lors d’un changement d’état de santé. Elle rappelle aussi qu’un patient peut confier ses souhaits (même oralement) à un représentant thérapeutique qui s’exprimera en son nom en cas de perte de discernement. «Quand un patient arrive aux soins intensifs, nous cherchons toujours à savoir s’il a rédigé des directives anticipées. Nous en rediscuterons avec lui s’il est conscient. Ces directives sont une aide pour nous, et aussi pour les proches qui se voient déchargés d’un poids parfois accablant. Quand on connaît l’avis du patient, cela soulage tout le monde!»

Pour la Dre Amorim Araujo, médecin-cheffe du service de soins palliatifs, il faut établir des directives anticipées dès que possible. «La maladie évolue parfois vite, avec d’importantes pertes d’autonomie en matière d’alimentation, de mobilité ou de parole… Sans directives anticipées, nous nous référons au représentant thérapeutique désigné ou à l’entourage, selon un ordre hiérarchique défini par la loi. C’est souvent très lourd pour celui qui devient porte-parole de volontés qu’il ne connaît pas.»

 

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