À la différence de la chirurgie esthétique, la chirurgie reconstructrice intervient pour reconstituer des tissus à la suite d’une maladie, d’un traumatisme ou d’une malformation. Elle peut ainsi être réalisée après l’ablation d’un mélanome, d’une tumeur de la sphère ORL ou osseuse par exemple. C’est un domaine qui a sensiblement évolué ces trente dernières années grâce à l’introduction de la microchirurgie. Au Réseau hospitalier neuchâtelois (RHNe), des chirurgies reconstructrices sont réalisées notamment après une chirurgie bariatrique ou une mastectomie (ablation d’un sein). Entre l’une et l’autre, la procédure diffère quelque peu. Éclairage.
Avant toute chirurgie bariatrique, le Centre de l’obésité du RHNe invite les patients à suivre un cours qui les prépare à anticiper les changements corporels à venir. La chirurgie reconstructrice fait partie des sujets abordés.
Parce qu’avec la pose d’un by-pass, la graisse va fondre mais pas le surplus de peau: celui-ci va subsister en quantités plus ou moins grandes sur les bras, les cuisses, la poitrine, le ventre où elle peut former une «bavette». Cet excédent d’épiderme constitue parfois une gêne majeure pour les personnes concernées.
20%: Le taux des patients bariatriques qui bénéficient d’une chirurgie réparatrice en Suisse
Selon le Dr Christophe Racine, spécialiste de chirurgie plastique et reconstructrice agréé par le RHNe, «il faut attendre deux ans après la chirurgie bariatrique avant de pouvoir envisager une intervention reconstructrice, car la perte de poids doit être stabilisée».
À l’origine de la démarche, il faut une demande spécifique de la part du patient. Celui-ci sera ensuite reçu en consultation pour parler de la (ou des) zone(s) qu’il souhaite voir corriger. Sur la base de cet échange, le chirurgien adressera une demande de prise en charge à l’assurance maladie de base, étayée par des photos.
Être à l’écoute
Pour ces interventions post-chirurgie bariatrique, deux requêtes sur trois émanent de femmes. «Il est important d’être à l’écoute de chacune et chacun, de comprendre quel est leur souhait spécifique, parce que le ressenti diffère d’une personne à l’autre. Un patient peut par exemple être très gêné par un surplus de peau sur les bras, mais pas par l’excédent au niveau du ventre qu’il parvient à dissimuler avec l’habillement», rapporte le chirurgien.
D’après lui, environ 20% des patients bariatriques bénéficient d’une chirurgie réparatrice en Suisse. Les caisses-maladie se prononcent au cas par cas, «avec de fréquentes limitations de la prise en charge». En fin de compte, c’est à peu près un cas sur deux qui est accepté», estime le médecin. «Mais la souffrance peut être telle après un refus que certains patients choisissent de se faire opérer en payant l’intervention de leur poche, laquelle est alors considérée comme chirurgie esthétique.» L’approche est toute autre dans plusieurs pays européens où la reconstruction est prévue d’office lors de la pose d’un by-pass gastrique.

Le sénologue Alexis Léger (à g.) et le psychiatre Yann Corminboeuf, médecin-adjoint au Service de liaison du Centre neuchâtelois de psychiatrie. © Guillaume Perret
Mais en cas de mastectomie totale, la chirurgie reconstructrice est couverte en Suisse par l’assurance de base. «Nous la
proposons systématiquement à chaque patiente concernée qui la souhaite pour autant que le traitement oncologique ne soit pas prétérité», résume le Dr Alexis Léger, sénologue au Centre du sein du RHNe.
Dans certains cas, ablation et reconstruction peuvent être réalisées en une seule intervention où sénologue et plasticien opèrent conjointement. Dans d’autres, les traitements prescrits obligent à différer la réparation. «Après une radiothérapie, nous préconisons d’attendre un an parce qu’elle altère la peau et les petits vaisseaux», explique le Dr Olivier Bauquis, médecin cadre au Service de chirurgie plastique et reconstructrice du CHUV et référent au Centre du sein du RHNe.
Technique de référence
Avant une reconstruction, plasticien et patiente se rencontrent pour échanger et définir la technique opératoire la plus opportune. «Pour cette intervention, nous pouvons utiliser des tissus du ventre, du dos, voire une prothèse mammaire», indique le Dr Laurent Smeets, plasticien spécialiste de la reconstruction du sein après cancer et chirurgien agréé au RHNe.
Il pratique entre autres le DIEP, technique de référence en matière de reconstruction mammaire. Ce procédé de restauration par lambeau abdominal consiste à recréer le sein avec la peau et la graisse du ventre. «Toutes les femmes concernées par une mastectomie ont droit à une reconstruction, mais la plupart n’en veulent pas: moins de 50% d’entre elles choisissent cette possibilité», constate la Dre Marie-José Chevènement, médecin-cheffe du Centre du sein. Elle précise que cette intervention est prise en charge par la Lamal, peu importe le temps qu’il y a entre l’ablation du sein et la reconstruction.
«Nous proposons systématiquement une reconstruction à chaque patiente concernée, pour autant que le traitement oncologique ne soit pas prétérité», Dr Alexis Léger
«C’est important de comprendre que les femmes qui choisissent de s’en tenir à la mastectomie veulent rester avec leur corps à elles», complète le Dr Olivier Bauquis. «Avec une reconstruction, leur physique sera un peu différent de celui d’avant. Elles acceptent donc d’en rester là même si elles sont mutilées.»
Spécialiste en psychiatrie de liaison (lire l’encadré), le Dr Yann Corminboeuf fait remarquer que «la reconstruction, c’est quand on sort de la maladie. Il y a un avant et un après, et la plupart des patients s’adaptent. Mais parfois des personnes n’y arrivent pas sans un accompagnement approprié.»
Réapprivoiser son corps
Médecin-adjoint au Service de liaison du Centre neuchâtelois de psychiatrie (CNP), le Dr Yann Corminboeuf est responsable de la liaison spécialisée. Il intervient notamment au Centre de l’obésité ainsi qu’au Centre du sein du RHNe pour la psycho-oncologie.
On fait appel à ses collaborateurs pour des patients n’arrivant pas à s’adapter aux difficultés engendrées par la maladie. Pour prendre l’exemple du Centre du sein, une infirmière référente est formée pour répondre aux besoins des femmes atteintes d’un cancer. Elle apporte un soutien dès l’annonce du diagnostic et tout au long de la prise en charge. Si besoin, elle adressera une personne en détresse psychique à l’équipe de psycho-oncologie.
«Certains patients se retrouvent dans un état de sidération à l’annonce d’un diagnostic; pour d’autres – et ce n’est pas rare – les symptômes psychiques émergent quand les traitements sont terminés. Ils se retrouvent face à un grand vide qui les déstabilise. Les phases de la maladie peuvent donc être très différentes au moment où on nous sollicite», dit le psychiatre.
«Après une chirurgie reconstructrice, être confronté à son corps qui n’est plus le même au niveau de l’apparence et des sensations peut être difficile. Cela questionne le rapport à son corps et implique de reprendre confiance en lui alors qu’il a été porteur d’une maladie grave.»
Face à la maladie, nous développons en général des ressources pour faire front. Selon le Dr Corminboeuf, «les personnes qui n’y parviennent pas ne devraient pas rester trop longtemps dans cette souffrance et solliciter un soutien spécialisé».