Au RHNe, une filière dédiée mise sur la coordination des soins et l’éducation thérapeutique pour réduire les retours à l’hôpital.

© Guillaume Perret
En Suisse, l’insuffisance cardiaque est l’une des principales causes d’hospitalisation. Les semaines qui suivent une sortie de l’hôpital constituent une période particulièrement à risque, avec de nombreuses réadmissions de patient-e-s qui pourraient être évitées.
Au Réseau hospitalier neuchâtelois (RHNe), une filière spécifique a été mise en place pour améliorer le suivi post-hospitalisation grâce à une coordination interprofessionnelle et à un accompagnement renforcé des patient-e-s.
Le Dr Cyril Pellaton, médecin-chef du service de cardiologie du RHNe et coauteur de l’article à ce sujet Prise en charge de l’insuffisance cardiaque après une hospitalisation, paru dans la Revue médicale suisse, nous en dit plus.
Qu’est-ce qui vous a motivé à mettre en place une prise en charge structurée de l’insuffisance cardiaque post hospitalisation?
Dr Cyril Pellaton: Les patients insuffisants cardiaques présentent un risque élevé de complications et de réhospitalisation dans les semaines qui suivent leur sortie. L’implémentation d’un itinéraire clinique bien défini et individualisé durant cette période permet d’optimiser la prise en charge et de limiter les réadmissions. Des interventions structurées, la planification des différentes visites après l’hospitalisation, une éducation thérapeutique et le développement de la gestion autonome du patient sont des éléments clés pour optimiser la prise en charge durant la phase de transition. Une prise en charge coordonnée et multidisciplinaire entre médecins hospitaliers, médecins traitants, réseaux de soins et cardiologues est primordiale.
«Environ 20 % des patients sont réadmis dans les 30 jours suivants leur sortie de l’hôpital», Dr Cyril Pellaton
Pourquoi les semaines qui suivent une hospitalisation pour insuffisance cardiaque sont-elles particulièrement critiques?
L’insuffisance cardiaque représente l’un des motifs les plus fréquents de réadmission hospitalière: environ 20 % des patients hospitalisés pour insuffisance cardiaque sont réadmis dans les 30 jours suivants leur sortie de l’hôpital, y compris en Suisse. Il existe plusieurs causes bien identifiées pour expliquer les réadmissions dites «évitables»: une gestion inadaptée des traitements pharmacologiques, un manque de suivi médical rapproché des patients à leur sortie de l’hôpital, une insuffisance de communication entre les différents intervenants, c’est-à-dire cardiologue, médecin généraliste, pharmacie, réseau de soins à domicile et proches aidants, ainsi qu’un manque de connaissances de sa maladie par le patient.
Quels sont les axes essentiels proposés dans la filière d’insuffisance cardiaque du RHNe pour améliorer la prise en charge à ce moment-là?
Premièrement, il y a le «self-care management», donc la gestion autonome de sa maladie par le patient. Il devient acteur de sa santé. En effet, la prise en charge de l’insuffisance cardiaque nécessite une approche multidisciplinaire, à la fois pharmacologique et non pharmacologique, axée sur la pathologie. Mais cette prise en charge devrait également comprendre une éducation thérapeutique du patient, afin qu’il devienne acteur de sa maladie.
Deuxièmement, l’optimisation thérapeutique et la prise en charge durant la phase de transition. Les recommandations de la Société européenne de cardiologie encouragent un suivi rapproché pendant les deux à quatre semaines qui suivent une hospitalisation pour insuffisance cardiaque dans le but principal d’optimiser rapidement le traitement pharmacologique.
Vous avez justement mis en place un parcours de soins spécifique dans la filière d’insuffisance cardiaque au RHNe: en quoi consiste-t-il et qu’est-ce qui le rend si efficace ?
Début 2022, une filière spécifique de prise en charge après une hospitalisation pour insuffisance cardiaque a été mise en place dans le canton de Neuchâtel. Le but était de renforcer la collaboration interprofessionnelle entre tous les partenaires médicaux et paramédicaux impliqués dans la prise en charge des patients insuffisants cardiaques durant l’hospitalisation, puis durant la phase ambulatoire vulnérable des quatre semaines qui suivent l’hospitalisation. Plusieurs filières du même type ont été progressivement développées dans plusieurs cantons suisses ces dernières années.
Cette filière a été créée en étroite collaboration avec les médecins traitants, les cardiologues exerçant en pratique libérale, les médecins hospitaliers, les infirmiers spécialisés, les physiothérapeutes et les diététiciens notamment. Elle a permis l’optimisation de la prise en charge des patients en proposant à la fois une uniformisation des pratiques entre les différents partenaires, mais également une personnalisation des prises en charge pour les patients. Les différents rôles des intervenants sont résumés dans la figure suivante.

L’éducation thérapeutique des patients et l’autogestion sont essentielles dans votre proposition. Comment les aidez-vous à mieux comprendre leur maladie et à en prendre soin au quotidien?
Spécifiquement pour l’insuffisance cardiaque, nous pouvons parler d’«autogestion» ou de «gestion autonome de sa pathologie», ou, de manière plus générale, du fait que le patient devient acteur de sa santé. Le rôle de l’autogestion a été conforté dans une prise de position de la Société européenne de cardiologie publiée en 2021. Cet article souligne l’importance de l’adhérence thérapeutique, des adaptations du style de vie, du suivi, de la reconnaissance des symptômes et de la conduite à tenir en cas de péjoration clinique. On retrouve des recommandations pratiques pour les professionnels de santé qui suivent les patients atteints d’insuffisance cardiaque concernant différents aspects comme la nutrition, l’activité physique, l’adhérence thérapeutique, les voyages, etc. Nous enseignons ainsi ces différents éléments, avec le rôle clé de l’infirmière spécialisée, Luisa Marques.
Quel est le rôle des infirmières et infirmiers spécialisés après une hospitalisation pour insuffisance cardiaque ?
Ces dernières années, les centres impliquant des infirmières et infirmiers spécialisés en insuffisance cardiaque se sont multipliés en Suisse et dans le monde, permettant notamment une prise en charge multidisciplinaire des patients avec insuffisance cardiaque. L’infirmier joue un rôle central dans la prise en charge durant la phase de transition. Les différentes phases de la filière d’insuffisance cardiaque neuchâteloise sont résumées dans la figure suivante.

Comment pourrait-on encore améliorer la prise en charge de l’insuffisance cardiaque et le suivi post-hospitalisation dans les années à venir ?
Nous pouvons toujours faire mieux ! Les principaux axes d’amélioration qui pourraient être envisagés sont notamment la télémédecine, l’augmentation des ressources infirmières et la poursuite de l’éducation thérapeutique.
CONFÉRENCE PUBLIQUE
Insuffisance cardiaque: quand le cœur est fatigué
Dans le cadre des Jeudis du RHNe, la conférence du 25 janvier 2024 avait réuni le Dr Cyril Pellaton, médecin-chef du service de cardiologie du RHNe, et Luisa Marques, infirmière spécialisée du service de cardiologie du RHNe. Une patiente atteinte d’insuffisance cardiaque témoignait également de son vécu.
La conférence peut être visionnée sur ce lien.



