Sur les réseaux sociaux, les régimes et le jeûne cartonnent allègrement, sans parler des pubs pour les aliments et boissons supplémentés. Ces options se présentent souvent comme des atouts pour la perte de poids, la santé métabolique ou la longévité. Pas simple de distinguer le vrai du faux, ni d’y voir clair dans ce foisonnement d’approches et de recommandations. Quels sont les bénéfices et les risques d’un régime ou d’un jeûne? Et quels principes de précaution appliquer? L’éclairage de Laura Löbl, diététicienne au Réseau hospitalier neuchâtelois (RHNe).

Laura Löbl, diététicienne au RHNE, et Gaël Hauser, responsable de la chimie clinique au laboratoire Admed. ©Guillaume Perret
Comment perdre du poids durablement et sans risque?
En tout cas pas en effectuant un régime ou un jeûne, des pratiques qui peuvent engendrer un «effet yoyo». Autrement dit, une perte de poids rapide engendre une reprise de masse rapide. On reprend même souvent davantage de kilos qu’avant. Il n’existe pas de régime miracle: le seul moyen de parvenir à réduire son embonpoint, c’est de retrouver une alimentation équilibrée et pratiquer une activité physique. L’objectif est de modifier progressivement ses habitudes pour les maintenir sur le long terme.
Avant d’envisager un régime ou un jeûne, quelles précautions s’imposent?
Il est primordial de se faire accompagner par un professionnel certifié. S’il était si simple de perdre des kilos, il n’y aurait pas autant de personnes en surpoids dans notre société, avec les ennuis de santé qui en découlent. Ce problème touche 43% de la population adulte en Suisse, dont 12% de personnes obèses. En consultant son médecin généraliste, le patient peut se faire prescrire un suivi avec un diététicien. Dans la plupart des cas, la prise en charge consistera à rééquilibrer l’alimentation, avec des repas variés inspirés de l’alimentation méditerranéenne, riche en fruits, légumes, céréales, légumineuses, poisson et oléagineux. Le diététicien accompagne le patient pour adopter des changements d’alimentation ou de comportement sur le long terme et éviter la sédentarité. En diététique, nous ne prescrivons plus aucun régime à proprement parler, sauf pour quelques pathologies spécifiques, par exemple des allergies alimentaires, maladies digestives, etc.
43% : Le pourcentage de la population qui est concernée par le surpoids en Suisse.
Cela étant, faut-il se méfier de certaines diètes en particulier?
On les déconseille plus ou moins toutes. En particulier les plus drastiques ou restrictives, qui excluent des groupes entiers d’aliments. C’est aussi le cas des régimes qui interdisent d’associer certains aliments, qui promettent une perte de plus d’un kilo par semaine ou encore ceux qui sont basés sur la vente de produits.
Dans votre pratique, quels problèmes découlant de régimes pouvez-vous observer?
Il peut y avoir des conséquences cliniques et physiques, comme la dénutrition (perte de masse musculaire), une prise de masse graisseuse, des carences alimentaires ou encore une recrudescence de l’inflammation généralisée. Cela peut induire une augmentation de la résistance à l’insuline ou des facteurs de risques cardiovasculaires. Sans compter les répercussions psychologiques comme les sentiments d’insatisfaction ou de frustration.
Que penser du jeûne?
Cela dépend du type de jeûne, de sa durée, de la supplémentation en micronutriments prise (ou pas) durant la phase où l’on ne mange pas et de l’état de santé initial du patient… En jeûnant, on perd d’abord de la masse musculaire, puis l’effet s’estompe progressivement. Après 15 jours, il y a une diminution de la masse osseuse qui n’est pas irréversible. Mais une personne atteinte d’ostéoporose est à risque de fracture. Chez un patient à risque, le jeûne peut engendrer une dénutrition sévère et affaiblir ses défenses immunitaires. En d’autres termes, cette pratique comporte des risques.
Y a-t-il une mode pour certains régimes ou jeûnes?
Je citerais notamment le jeûne intermittent, dont le principe est de s’abstenir de manger pendant des laps de temps répétés. Avec le 16/8 par exemple, on s’alimente sur une période de 8 heures et on jeûne durant 16 heures. Difficile de savoir pour le reste, car les personnes qui se laissent tenter par des régimes consultent rarement des diététiciens. Quand les choses se passent mal, on les récupère à l’hôpital: nous avons parfois à faire à des dénutritions sévères. Après un jeûne inadapté, ces patients sont physiquement diminués. C’est pourquoi il est recommandé de s’adresser en premier lieu à son médecin généraliste ou à un diététicien avant de se lancer.
«Les informations qui circulent sur les réseaux sociaux à propos des carences alimentaires ont tendance à inciter les gens à avoir peur», Gaël Hauser, responsable de la chimie clinique à Admed
Qu’est-ce qui pousse les gens à jeûner?
Le motif numéro un est la perte de poids. Parmi les autres raisons évoquées, on trouve l’envie de détoxifier son organisme, d’améliorer ses paramètres sanguins, de lutter contre certaines maladies comme le diabète, les pathologies cardiovasculaires ou encore le cancer. Il faut ajouter les campagnes de publicité émanant de centres qui vendent des cures «détox» en milieu fermé, avec des jeûnes sur une ou plusieurs semaines. Nous voyons énormément d’incitations en la matière sur les réseaux sociaux, sur internet et dans des magazines. À noter que les sociétés savantes européennes et internationales n’ont pas reconnu la valeur de ce type de cure. Pour savoir si elles sont valables, il faudrait pouvoir s’appuyer sur des études scientifiques robustes qui démontrent leurs effets à long terme. De tels résultats font défaut pour le moment.
Déficit ou carence?
«Les informations qui circulent sur les réseaux sociaux à propos des carences alimentaires peuvent induire en erreur. Elles ont tendance à inciter les gens à avoir peur, à se tester ou à consommer des suppléments sans que cela soit nécessaire. Or il faut rappeler qu’à fortes doses, la plupart des vitamines peuvent être toxiques», prévient Gaël Hauser. «Par conséquent, il est important d’avoir un suivi professionnel lorsque l’on suspecte un déficit.»
Pour illustrer son propos, le responsable de la chimie clinique au laboratoire Admed va décrypter trois exemples de carences fréquentes (fer, vitamines B12 et D) lors de la conférence publique du 20 février.«Il y a une différence entre un déficit et une carence, qui est responsable d’une pathologie! Si la carence nécessite une prise en charge médicale, ce n’est pas forcément le cas pour un simple déficit. L’interprétation correcte des résultats ainsi que la prise en compte des facteurs de risque sont alors essentielles pour apporter la bonne réponse, et ainsi éviter le ‘trop’ et le ‘trop peu’!»
Conférence: «Régimes et jeûne, quand les promesses cachent les risques»
Dans le cadre des Jeudis du RHNe, la conférence du 20 février 2025 a réuni la diététicienne Laura Löbl et Gaël Hauser, FAMH en chimie clinique aux laboratoires Admed.
Elle peut être visionnée sur ce lien.