«On parle peu du syndrome vertigineux, mais c’est un problème assez courant. Il se résout souvent de lui-même, mais il devient un motif de consultation lorsque les vertiges sont forts ou persistants. C’est un symptôme qui amène fréquemment les gens à se rendre chez leur généraliste», expose Keyvan Nicoucar, médecin-chef adjoint du service d’oto-rhino-laryngologie (ORL) du Réseau hospitalier neuchâtelois (RHNe).
À la fois spécialiste de chirurgie cervico-faciale et d’otoneurologie, il a rejoint l’hôpital cantonal au début de cette année pour prendre en charge les patients souffrant de vertiges aigus ou chroniques. Du diagnostic au traitement, son rôle est d’assurer un suivi lorsqu’une atteinte de l’oreille interne provoque un trouble de l’équilibre ou des épisodes vertigineux. Un désordre qui peut s’avérer invalidant dans la vie quotidienne. On estime qu’il affecte entre 15 à 35% des personnes durant leur vie.
«Il faut commencer par déterminer de quel type de maladie souffre le patient», expose le Dr Nicoucar. Car si l’origine des vertiges se situe le plus souvent dans l’oreille interne, la cause peut être cérébrale et sera référée à un neurologue. L’oreille interne et son complexe vestibulaire se caractérisent par un fonctionnement ingénieux que le spécialiste compare «à une mécanique de très haute précision» (lire encadré).
«C’est la description du patient qui renseigne au mieux sur la situation. Plus son récit est précis et complet, meilleures seront les informations.» Dr Keyvan Nicoucar, médecin-chef adjoint du service d’oto-rhino-laryngologie du RHNe
Il se compose de trois canaux semi-circulaires et de deux cavités (le saccule et l’utricule). Lorsque l’on bouge la tête par exemple, le liquide contenu dans les tubes circule, faisant onduler les cils à la surface des cellules sensorielles du système vestibulaire. Celles-ci produisent ensuite des stimuli électriques qui renseignent le cerveau sur les mouvements de la tête dans l’espace.
À la manière d’un détective
Lorsqu’un grain de sable vient gripper ce mécanisme, les informations reçues sont déformées et détraquent l’équilibre. «Les paramètres ne s’ajustent plus, ce qui génère une sensation de vertige», détaille l’otoneurologue. Quand il reçoit une personne atteinte de ce trouble, il se concentre d’abord sur l’anamnèse, qui constitue le «golden standard» pour parvenir à établir un diagnostic.

Médecin chef adjoint du Service d’oto-rhino-laryngologie de l’hôpital cantonal, Keyvan Nicoucar est spécialiste d’otoneurologie, la discipline consacrée à l’oreille interne. © Guillaume Perret
«C’est la description du patient qui renseigne au mieux sur la situation. Plus son récit est précis et complet, meilleures seront les informations», explique-t-il: «C’est un peu comme dans une enquête de police où l’on cherche à recueillir un maximum d’indices.» Des tests seront ensuite réalisés ultérieurement pour conforter le diagnostic.
Rassembler ces éléments prend forcément un peu de temps, le verdict tombe rarement sur-le-champ. C’est notamment dû au caractère évolutif du syndrome vertigineux: quand l’oreille interne dysfonctionne, le cerveau va se mettre à développer une stratégie parallèle, pour faire en sorte que la personne puisse malgré tout se tenir debout. «Il va introduire une correction, qui n’est ni totale, ni immédiate.»
De ce fait, le trouble présentera des variations au fil du temps. D’où la nécessité pour le praticien de tester et retester le patient pour identifier à quelle étape il se situe et s’il est en phase d’ajustement ou pas.
Plusieurs causes possibles
Selon le Dr Nicoucar, la liste des pathologies de l’oreille interne ne cesse de s’allonger et les facteurs déclenchants sont nombreux. Mais souvent le problème a pour origine le vertige paroxystique positionnel bénin (VPPB) ou canalolithiase. Il s’agit d’une perturbation mécanique liée à la mobilisation de cristaux dans un canal de l’oreille interne, qui envoie un message erroné au cerveau.
Le VPPB se traduit par des vertiges brefs qui surviennent après des mouvements de la tête et des changements de position, avec un effet démultiplicateur. Parmi les autres causes fréquentes figurent aussi le déficit vestibulaire brusque (on pense qu’un virus dormant est le déclencheur de cette inflammation) et la maladie de Ménière, caractérisée par des épisodes répétés et imprévisibles de vertiges rotatoires, mais dont on ignore l’origine.
«Quand les patients consultent, ils ont souvent beaucoup de questions et j’aime pouvoir répondre à leurs interrogations», relève le médecin. «Cela peut les aider à fournir des éléments précis sur leurs symptômes.» Il arrive aussi qu’ils viennent avec des informations glanées sur internet, «mais qui ne correspondent pas à leur cas de figure: ils pensent avoir une pathologie qu’ils n’ont pas et leur perception est biaisée».
Continuer de bouger
Une fois le diagnostic posé, le traitement passera par une physiothérapie vestibulaire ciblée et, selon la pathologie, des médicaments. En dernier recours, des thérapies chirurgicales peuvent être préconisées. La rééducation dispensée par des physiothérapeutes spécialisés (à l’hôpital de La Chaux-de-Fonds notamment) est une étape primordiale dans le traitement des vertiges et troubles de l’équilibre. «L’objectif est d’amener le cerveau à reprendre l’activité de l’oreille interne. Le pire à faire quand on souffre de troubles vertigineux, c’est de rester au lit. Il faut continuer de bouger!», résume le Dr Nicoucar. «C’est comme pour les muscles, il est important de continuer à les solliciter pour qu’ils restent toniques.»
Le praticien recommande des exercices spécifiquement adaptés à la pathologie et prescrits par un physiothérapeute vestibulaire pour que la rééducation soit efficiente. La bonne nouvelle, c’est qu’avec une thérapie adéquate, une bonne récupération est possible.
Un organe sensoriel sophistiqué
Avec son système vestibulaire, l’oreille interne est un organe sensoriel ingénieux qui gère de nombreux paramètres. Il permet aux bipèdes que nous sommes de nous repérer dans l’espace, tout en jouant un rôle clef dans l’équilibre, le maintien de la posture et la stabilisation du regard.
En prime, il nous renseigne sur les accélérations linéaires (dans la voiture ou le train par exemple) et nous permet de contrebalancer la gravité terrestre quand nous bougeons, ce qui nous évite de tomber quand nous nous penchons. Grâce aux informations collectées – qui intègrent aussi les mouvements de la tête – nous parvenons à rester debout. «Chaque oreille est dotée de trois canaux semi-circulaires remplis de liquide. Quand la tête bouge, ce mécanisme nous permet d’orienter les yeux sans voir trouble quand nous tournons le visage», détaille le Dr Keyvan Nicoucar. Pour gérer notre équilibre, le complexe vestibulaire s’associe à nos systèmes visuel et proprioceptif.