La chirurgie du rachis intervient pour libérer la moelle épinière et les nerfs d’une compression dans le canal rachidien et, si besoin, restaurer la stabilité et l’alignement de la colonne vertébrale. Tour d’horizon.

Le champ d’intervention du Dr Guillaume Racloz va de la première vertèbre cervicale jusqu’au sacrum. © Guillaume Perret
Sédentarité, faux mouvement, mauvaise posture… Les causes du mal de dos sont multiples, souvent sans gravité. Mais une douleur persistante peut aussi révéler une affection plus complexe nécessitant l’avis d’un spécialiste. Compression neurologique découlant d’une hernie discale ou d’un canal rachidien étroit, fracture, déformation de type scoliose, infection profonde ou lésions oncologiques menaçantes peuvent figurer parmi les pathologies qui relèvent de la chirurgie du rachis. Une discipline de haute précision où le suivi d’un-e patient-e est parfois mené en concertation avec d’autres spécialistes.
Interview du Dr Guillaume Racloz, chirurgien du rachis et médecin-chef du département d’orthopédie-traumatologie du Réseau hospitalier neuchâtelois (RHNe), dont l’expertise va de la première cervicale jusqu’au sacrum.
Parmi les pathologies du dos, lesquelles sont les plus courantes dans votre consultation?
Le canal lombaire étroit d’origine dégénérative et les hernies discales, qui touchent habituellement une population plus jeune. Les hernies concernent principalement la zone lombaire (environ 90%), en particulier les deux derniers disques davantage soumis à des contraintes mécaniques, probablement en lien aussi avec la verticalisation de notre ancêtre homo habilis.
Quand faut-il opérer une hernie discale?
Dans la plupart des cas et en l’absence de signe de gravité (déficit neurologique), la chirurgie n’est pas nécessaire de prime abord; un traitement conservateur (médicaments, physiothérapie et autres thérapies manuelles, adaptation des activités…) s’avère efficace. Dans le cas d’une sciatique réfractaire, on analysera la présence ou non de perte de force, le bilan radiologique, et selon le résultat, on proposera l’opération ou pas. Tout l’enjeu est d’éviter une séquelle neurologique et la désociabilisation du patient.
«Pour ménager son dos, mieux vaut une activité physique modeste pratiquée régulièrement qu’un objectif ambitieux qu’on abandonne après deux semaines», Dr Guillaume Racloz
Certaines affections impliquent des prises en charge spécifiques…
C’est notamment le cas des patients atteints de cancer pour lesquels le suivi est effectué avec l’équipe pluridisciplinaire (oncologie, radiologie, équipe chirurgicale): environ 90% des tumeurs touchant l’os sont des métastases d’un autre cancer – qui se logent dans la colonne vertébrale en priorité – et nécessitent un avis pluridisciplinaire et spécialisé. Nous analysons la meilleure option de traitement, entre chimiothérapie, radiothérapie et/ou chirurgie. L’opération aura comme indication de renforcer la colonne vertébrale et libérer les nerfs et la moelle épinière de la lésion menaçante. Un autre exemple, c’est une infection grave située dans la colonne vertébrale pouvant mettre en danger les éléments neurologiques et la stabilité de l’architecture spinale. J’interviens en partenariat avec l’infectiologue et les radiologues pour ces cas septiques: le choix de l’antibiotique relève de l’infectiologue, la biopsie souvent du radiologue et l’indication et la prise en charge chirurgicale sont de mon expertise: la chirurgie aura pour but de «nettoyer» la zone infectée et d’effectuer prélèvements complémentaires si besoin pour identifier le germe incriminé.
La douleur seule, c’est un motif d’opération?
En l’absence de signe de gravité évalué par le chirurgien, il existe des alternatives efficaces pour traiter les douleurs sans passer par le bloc opératoire: rééducation, traitements médicamenteux, thérapies manuelles, infiltrations ou médecines complémentaires. Certains patients soufrant d’un lumbago s’attendent à être opérés quand ils viennent me voir, mais les examens peuvent révéler que la chirurgie n’est pas indiquée, ou pas la solution la plus appropriée à leur pathologie. Il est important d’établir le bon diagnostic, adapté tant à la situation du patient qu’à ses attentes et de s’assurer de l’absence de pathologie sous-jacente telle qu’une fracture, une compression neurologique (moelle ou nerf), une infection ou une maladie oncologique.
90% des hernies discales concernent la zone lombaire.
Mais il vous arrive aussi de devoir opérer en urgence…
Dans certaines situations, l’imagerie et la clinique sont sans appel: la chirurgie passe au premier rang. Cette dernière est exposée au patient avec ses avantages et les risques associés. Quand nous sommes en présence de déficits neurologiques sévères (moteur ou sphinctérien), d’une menace médullaire, on s’oriente plus rapidement vers la chirurgie. Une compression qui persiste peut endommager durablement la moelle épinière et les éléments neurologiques et provoquer un handicap permanent. Un risque d’impotence ou de paraplégie voire de tétraplégie est une indication classique d’intervention chirurgicale dans les plus brefs délais.
En quoi consistent les opérations que vous pratiquez?
Les procédés diffèrent selon la pathologie: les chirurgies de décompression, par exemple, permettent de recalibrer le canal rachidien et de décomprimer les éléments neurologiques dans le cas d’un canal lombaire étroit. La spondylodèse, ou fusion de vertèbres entre elles, vise à stabiliser et réaligner la colonne vertébrale grâce à des vis directement implantées dans les vertèbres. Pour certaines fractures d’origine ostéoporotique, nous réalisons une cimentoplastie qui consiste à injecter du ciment dans la vertèbre afin de la renforcer et diminuer les douleurs. Toutes ces opérations sont réalisées selon des techniques modernes classiques, mini-invasives voire percutanées, permettant un retour à domicile rapide. La clef de la réussite reste l’entretien préalable avec le patient pour lui permettre de bien comprendre les enjeux et les suites d’une chirurgicale spinale: le geste chirurgical, aussi délicat soit-il, n’est qu’un élément de la prise en charge globale des patients souffrant d’un mal de dos.
Comment ménager son dos?
Les facteurs de risque pour la colonne vertébrale sont en bonne partie les mêmes que ceux des maladies cardiovasculaires: surpoids (les disques intervertébraux s’usent plus vite), tabac, sédentarité, diabète, maladies vasculaires, génétique…
Pour ménager le dos, le Dr Guillaume Racloz préconise une activité physique régulière (trois fois par semaine), en variant les types de sports. Mieux vaut un programme modeste pratiqué régulièrement qu’un objectif ambitieux qu’on abandonne après deux semaines… «Je conseille cinq minutes de renforcement musculaire par jour: faire la planche (gainage) des quatre côtés (de face, de dos et latéralement à gauche et à droite).»
Autre suggestion du chirurgien du rachis: marcher avec des bâtons, parce que la posture est meilleure et l’allure plus rapide. Il relève aussi l’effet anti-inflammatoire de la natation, une activité qui sollicite moins les articulations du fait qu’on est porté par l’eau. «Avoir une bonne hygiène au travail a toute son importance pour le dos: il faut être attentif à la posture en changeant de siège au besoin. S’asseoir sur un gros ballon peut aussi être une option; varier les positions protège et renforce votre dos», ajoute le Dr Racloz. En se référant au Rapport sur le dos 2020, la Ligue suisse contre le rhumatisme indique «qu’il existe une corrélation entre le temps passé quotidiennement en position assise et la fréquence des douleurs dorsales».



