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Dès la mi-février, le RHNe s’est préparé à faire face à un afflux de cas positifs. Les mesures prises en amont ont permis d’absorber le pic de l’épidémie, fin mars. Retour sur un printemps pas comme les autres

« Début mars, la contagion s’accélère au Tessin, faisant craindre un tsunami qui submergerait le système hospitalier »

Ronan Beuret · Responsable qualité-sécurité

Ronan Beuret · Responsable qualité-sécurité

Au début, le danger semblait très lointain. Le 8 janvier 2020, quand l’Organisation mondiale de la santé (OMS) annonce qu’un nouveau coronavirus est peut-être à l’origine d’une épidémie de pneumonie d’origine inconnue dans la ville chinoise de Wuhan, la Suisse et les autres pays européens ne se sentent guère concernés. «Une Chinoiserie de plus», se disait-on en glosant sur cette drôle d’idée de manger du pangolin.

Une Chinoiserie, donc, en lien avec un précédent: entre 2002 et 2003, le Sras (Syndrome respiratoire aigu sévère), un autre coronavirus, avait fait près de 800 morts, en Asie principalement, avant de disparaître aussi mystérieusement qu’il était apparu. En Suisse, 30 personnes avaient été testées – toutes négatives. Même pas le temps d’avoir peur.

Le nouveau coronavirus a joué une toute autre partition. En Europe, les premiers cas positifs sont rendus publics fin janvier en France puis en Italie. La question n’est alors plus de savoir si le virus va atteindre la Suisse, mais quand. Le 25 février, le premier cas de COVID-19 est officialisé au Tessin. Il s’agit d’un septuagénaire de retour de Milan, un des principaux foyers européens du virus.

Début mars, la contagion s’accélère au Tessin, faisant craindre un tsunami qui submergerait le système hospitalier. Lors d’un point-presse tenu à Berne, Daniel Koch, responsable de la division des maladies transmissibles de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP), évoque une «situation dramatique», avec le risque que le canton «manque rapidement de lits de soins intensifs».

A Neuchâtel, l’inquiétude monte d’un cran. «On savait que la vague allait arriver, mais personne n’était en mesure d’évaluer sa hauteur», se souvient Ronan Beuret, responsable qualité-sécurité du Réseau hospitalier neuchâtelois (RHNe), à la tête de différentes cellules de crise mises en place dès le 24 février au sein de l’institution.

Les images de services de soins intensifs dépassés par l’afflux de malades à Wuhan, en Chine, mais aussi en Lombardie font craindre le pire. Avec des questions qui reviennent en boucle: est-ce que le nombre de lits de soins intensifs et de respirateurs sera suffisant pour prendre en charge tous les patients en détresse respiratoire? Et aura-t-on assez de personnel spécialisé pour les utiliser?

Au RHNe, comme dans les autres hôpitaux suisses, s’ouvre alors une course contre la montre pour mettre en place un dispositif à même de faire face à la crise. «Notre grand défi était de pouvoir disposer rapidement de ressources en personnel qualifié, en médicaments et en matériel dans des volumes poten-tiellement très importants», souligne Ronan Beuret.

Dès le début de l’épidémie, l’ensemble du personnel du RHNe a tiré à la même corde. «L’esprit de solidarité était remarquable, mais il a fallu structurer notre organisation pour gagner en efficacité, reprend le responsable qualité et sécurité. Nous avons mis en place des cellules dédiées à la gestion des flux, au suivi des stocks et à la gestion des problèmes administratifs. Tous les jours à midi, la cellule vigilance, composée du comité de direction et de plusieurs cadres, assurait la coordination de l’ensemble.»

Le lundi 2 mars, au retour des relâches, la menace se précise: le premier Neuchâtelois positif au COVID-19 est hospitalisé à Interlaken après avoir contracté le virus à Milan. Le RHNe accueille ses premiers cas dans la foulée. Mais l’évolution reste mesurée: du 4 au 15 mars, on passe de 4 à 9 patients hospitalisés, avec un seul patient aux soins intensifs. Le premier décès en Suisse est enregistré le 5 mars au CHUV, à Lausanne.

« Le RHNe a connu relativement peu de contamination, avec 89 cas positifs sur 2800 collaborateurs, soit 3,18% »

Dès le début de l’épidémie, l’Unité de prévention et contrôle de l’infection (UPCI) multiplie les démarches pour promouvoir les bonnes pratiques parmi ses collègues, notamment l’hygiène des mains selon les 5 indications de l’OMS. L’équipe fait le tour des services, prépare des protocoles et les diffuse sur l’intranet. Des mesures qui ont porté leurs fruits: le RHNe a connu relativement peu de contaminations internes, avec 89 cas positifs fin mai sur 2800 collaborateurs, soit 3,18%. Un taux inférieur à celui qui a été enregistré dans la population, estimé entre 7 et 10%, et comparable à celui des autres hôpitaux romands. 

Pour limiter au maximum les risques de contagion, la cellule de vigilance COVID-19 et la cellule des flux ont pris plusieurs mesures préventives dès le 7 mars, avec une limitation stricte des visites aux patients, l’interdiction des séances internes et le report de toutes les opérations non urgentes afin de libérer des ressources et des lits pour prendre en charge les patients COVID.

Le 12 mars, la crise s’impose comme une réalité mondiale – l’OMS qualifie l’épidémie de pandémie. On compte alors plus de 20 000 cas confirmés en Europe et près de 1000 décès. Le lendemain, le Conseil fédéral décide d’interdire jusqu’à fin avril les manifestations de plus de 100 personnes. Les restaurants, les bars et les discothèques ne peuvent plus accueillir plus de 50 clients.

La pharmacie face au risque de pénurie

L’équipe de Stéphane Gloor s’est engagée sans compter pour assurer l’approvisionnement en solutions hydro-alcoolique et en médicaments

Stéphane Gloor · Pharmacien chef FPH

Stéphane Gloor · Pharmacien chef FPH

La pharmacie a été particulièrement sollicitée pendant la période de pandémie, avec plusieurs problèmes à résoudre liés aux stocks. Au début de la crise, l’équipe du pharmacien chef Stéphane Gloor s’est dépensée sans compter pour assurer l’approvisionnement et la production de solutions hydro-alcooliques (SHA).

En mars, face à une demande mondiale, les fournisseurs habituels n’étaient pas en mesure de fournir le RHNe en SHA. La pharmacie a dû explorer d’autres voies, comme l’approvisionnement en désinfectants sous forme de solutions prêtes à l’emploi, de solutions en vrac, voire de fûts et de cubitainer. Elle a étroitement collaboré avec l’Unité de prévention et de contrôle de l’infection (UPCI) pour attribuer de manière ciblée les différentes solutions en tenant compte des besoins et exigences des utilisateurs de l’hôpital.

Grâce aux différents réseaux des collaborateurs de la pharmacie, le RHNe a pu bénéficier d’importants dons de gels hydro-alcooliques, de SHA en vrac mais aussi de produits de soins pour les mains mises à rude épreuve pendant cette crise.
Un deuxième point d’attention a porté sur l’obtention en quantité suffisante des médicaments de soins intensifs (sédatifs, curares, …) ainsi que de médicaments spécifiques au COVID. Un très gros effort a été fourni durant la première moitié du mois de mars pour pouvoir répondre rapidement aux demandes extraordinaires du service des soins intensifs. Les quantités demandées devaient en effet permettre la prise en charge de 30 patients intubés pendant 90 jours.

Fournisseurs étrangers
Les difficultés d’approvisionnement majeures rencontrées depuis plusieurs mois ont été décuplées par la situation sanitaire. La pharmacie a dû faire appel à des fournisseurs et à des fabricants étrangers afin de disposer d’une partie des stocks nécessaires. De plus, elle a dû répondre rapidement aux demandes d’antiviraux, d’hydroxychloroquine, ainsi que de médicaments pour le système respiratoire. En parallèle, les stocks de certains antibiotiques ont dû être augmentés.

Dans ce contexte difficile, une collaboration étroite a été nouée avec les autres professionnels de l’hôpital pour favoriser l’utilisation optimale des médicaments à disposition. «Les contacts réguliers avec la pharmacienne cantonale ont permis d’obtenir certains médicaments auprès de l’organe sanitaire de coordination et du service sanitaire coordonné, souligne Stéphane Gloor. Parallèlement, des échanges avec les pharmaciens des autres hôpitaux ont permis de détendre certaines situations liées aux difficultés majeures d’approvisionnement que chacun a vécues de manière plus ou moins aiguë.»

Ces dernières semaines, la pharmacie a non seulement dû gérer les différents stocks accumulés pour faire face à la pandémie, mais aussi la reprise progressive des activités mises entre parenthèses pendant la phase aigüe de la crise. «Le travail remarquable de tous les collaborateurs de la pharmacie a permis de répondre à l’ensemble des demandes, se félicite Stéphane Gloor. Cela a été salué par les différents services de l’hôpital avec lesquels nous travaillons au quotidien. Je les remercie toutes et tous pour leur engagement.»