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Delphine Frochaux, psychologue spécialiste en neuropsychologie, Pourtales – Neuchâtel, le 27 octobre 2022. Photos © Guillaume Perret
Pour répondre aux défis des troubles neurodégénératifs, le Réseau hospitalier neuchâtelois (RHNE) vient d’ouvrir un Centre mémoire sur les sites de Pourtalès et La Chaux-de-Fonds, en collaboration avec le Centre neuchâtelois de psychiatrie et l’Association réseau orientation santé social. Son rôle? Dépister, proposer un suivi individualisé et une aide pluridisciplinaire. La consultation rassemble une brochette de spécialistes – neurologues, gériatres, psychiatres et neuropsychologues – qui travaillent en interaction avec les « caremanagers », chargés de piloter la prise en charge du patient. Les explications de Delphine Frochaux, neuropsychologue référente, sur ses spécificités.
A qui se destine la consultation?
Le Centre mémoire a pour vocation de dépister les troubles neurodégénératifs, de proposer un suivi, ainsi qu’une aide multidisciplinaire. Les patients sont adressés par leur médecin traitant à la suite de symptômes apparus progressivement. Toutes les maladies neurodégénératives sont prises en charge. Si Alzheimer et Parkinson sont les plus connues, il y en a d’autres aussi. Nous nous occupons spécifiquement de patients dont les troubles se sont manifestés graduellement, les troubles cognitifs d’apparition aiguë (par exemple après un AVC ou un traumatisme crânien) sont suivis dans d’autres filières du Service de neurologie.
150 000 personnes sont atteintes de démence en Suisse.
Qui dit mémoire, pense Alzheimer…Cette maladie est en effet la première cible, mais elle n’est pas la seule: un problème de mémoire peut cacher beaucoup de choses. Il faut d’ailleurs faire la distinction entre les oublis bénins dus à l’âge et un trouble qui affecte simultanément la mémoire et d’autres aptitudes comme le langage, le comportement, les mouvements… Les changements cognitifs ne sont par ailleurs pas toujours le reflet d’un vieillissement pathologique. Le fait d’avoir plus de peine à trouver les noms des gens, par exemple, peut tout à fait s’inscrire dans le cadre du vieillissement normal.
Quels sont alors les premiers signes qui devraient inciter à consulter?
Le signal d’alerte principal, c’est un changement dans la manière de fonctionner au quotidien. Lorsqu’une personne s’isole, renonce à ses activités usuelles, n’utilise plus son téléphone… Ou quand quelqu’un d’organisé commence à oublier ses rendez-vous. L’évolution peut être si progressive que le principal concerné ne le remarque pas tout de suite: c’est d’ailleurs souvent la famille qui s’en aperçoit d’abord. Les proches ne doivent pas hésiter à en parler au médecin traitant, qui effectuera un premier dépistage. Selon le résultat, il adressera la personne à notre centre.
Comment le Centre mémoire prend-il en charge les patients?
Nous commençons par un examen médical. Selon les symptômes décrits, il est réalisé par un neurologue ou un gériatre. Le deuxième rendez-vous est consacré à une investigation neuropsychologique. Les résultats sont ensuite examinés et discutés de manière multidisciplinaire: la structure réunit divers spécialistes du domaine, des neurologues (référent Dr Philippe Olivier), des gériatres (Dre Mariangela Gagliano), des psychiatres (Dr Umberto Giardini) et une équipe de neuropsychologues, dont je suis la référente. Elle peut préconiser des examens biomédicaux complémentaires (IRM cérébrale, ponction lombaire voire PET-scan) ou solliciter l’avis du psychogériatre du CNP, pour voir si des problèmes psychiatriques expliquent une partie des troubles. Après les examens, nous établissons un diagnostic et regardons quelle prise en charge serait la plus adaptée. Les conclusions sont présentées au patient et ses proches à l’occasion d’un examen de restitution et font l’objet d’un rapport pour le médecin traitant.
Le centre travaille également en réseau…
A partir du moment où le patient est pris en charge, il sera accompagné à long terme. Le Centre mémoire fait le lien avec d’autres structures pour assurer le suivi. Lorsqu’un accompagnement psychosocial est préconisé, un·e care-manager s’occupera d’orienter la personne. Son rôle est de lui proposer des activités qui visent à maintenir son autonomie le plus longtemps possible. Nous sommes partenaires du projet romand CareMens, soutenu par Promotion santé Suisse, qui favorise les interactions sociales et travaille à prévenir le déclin fonctionnel.
Les changements cognitifs ne sont pas toujours le reflet d’un vieillissement pathologique.” DELPHINE FROCHAUX NEUROPSYCHOLOGUE RÉFÉRENTE
Dans le cadre de ce programme, une logopédiste, une physiothérapeute et une neuropsychologue proposent des prises en charge ciblées. L’objectif est de trouver des activités que le patient continuera à faire sur la durée. S’il arrête après quelques semaines, ça ne sert à rien! Nous travaillons avec deux care-managers exerçant également à l’Association réseau orientation santé social (Aross). Dans l’équipe du Centre mémoire, nous avons une care-manager du CNP qui s’occupe spécifiquement des personnes qui ont perdu leur autonomie.
Pourquoi est-ce important de consulter tôt?
Pour deux raisons essentiellement: le dépistage vise d’abord à exclure toute cause qui pourrait être traitée, tumeur ou pathologie cérébrovasculaire notamment. L’autre enjeu, en décelant une maladie neurodégénérative à un stade précoce, c’est de retarder la perte d’autonomie. Si on ne peut pas stopper l’évolution du trouble – il n’existe actuellement pas de traitement qui empêche la dégradation de la mémoire – on peut en revanche travailler à préserver certaines interactions. Il s’agit de mettre en place des stratégies de maintien de l’autonomie: en restant active, la personne pourra conserver son indépendance physique, intellectuelle et sociale plus longtemps.
Les cas devraient doubler d’ici 2050
Les troubles neurodégénératifs se traduisent par une détérioration progressive des cellules nerveuses et des tissus du cerveau. Représentant près de 60% des cas, Alzheimer est la forme la plus courante de maladie dégénérative. On estime que quelque 150 000 personnes sont atteintes de démence en Suisse, un chiffre qui devrait doubler d’ici 2050. Le prochain Jeudi du RHNE a justement pour thème « Peuton prévenir la maladie d’Alzheimer? ». Toute personne intéressée peut assister à la conférence qui aura lieu le 15 décembre (19h), à l’auditoire de l’hôpital Pourtalès, à Neuchâtel. Le Centre mémoire du RHNE fait partie de l’association Swiss memory clinics (SMC) qui a pour objectif de « garantir, au niveau national, une haute qualité de diagnostic et de traitement en cas de démence ». Pour y parvenir, des normes de qualité ont été développées que les membres de SMC s’engagent à respecter. Coordonnées du secrétariat du centre mémoire: centrememoire@rhne.ch