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« Détectés précocement, la majorité des cancers masculins peuvent être traités avec succès »

Propos recueillis par Trinidad Barleycorn

Les cancers masculins bénéficient aujourd’hui d’outils de dépistage et de traitements plus précis et mieux tolérés. Le point avec le PD Dr Berardino De Bari, médecin-chef du service de radio-oncologie du site RHNe-La Chaux-de-Fonds.

 

Movember, le mois de sensibilisation à la santé masculine, est l’occasion de rappeler l’importance du dépistage des cancers de la prostate et du testicule. Grâce aux progrès du diagnostic et des traitements, la prise en charge s’est considérablement améliorée. Unique service de radio-oncologie du canton, celui du RHNe, situé sur le site de La Chaux-de-Fonds, innove sans cesse pour garantir une prise en charge de pointe. Le PD Dr Berardino De Bari, médecin-chef du service, fait le point sur ces avancées, ainsi que sur les symptômes qui doivent alerter et les prises en charge.

 

Dr Berardino De Bari, médecin-chef de service en radio-oncologie

PD Dr Berardino De Bari, médecin-chef de service en radio-oncologie

Quel est pour vous le message essentiel de Movember?
PD Dr Berardino De Bari: Il reste crucial de sensibiliser les hommes à l’importance du dépistage des cancers masculins et d’un mode de vie sain. La majorité des cancers masculins, lorsqu’ils sont détectés précocement, peuvent être traités avec succès. Rapprocher la médecine de chaque homme par la prévention, l’information et le suivi personnalisé, c’est avancer vers une meilleure prévention et une meilleure qualité de vie pour tous.

Quelle est la fréquence des cancers de la prostate et du testicule?
Le cancer de la prostate est le plus fréquent chez l’homme, représentant environ 30% de tous les cancers masculins. En Suisse, on estime qu’un homme sur sept sera diagnostiqué d’un cancer de la prostate au cours de sa vie. Le cancer du testicule, quant à lui, concerne principalement les hommes jeunes, entre 15 et 45 ans, avec un taux de survenue d’environ 8 à 10 cas pour 100 000 hommes par an. La sensibilisation vise à rappeler l’importance du dépistage pour un diagnostic précoce de ces cancers, qui est la clé pour en augmenter les chances de guérison.

«En Suisse, on estime qu’un homme sur sept sera diagnostiqué d’un cancer de la prostate au cours de sa vie»

Quels symptômes doivent alerter et inciter les hommes à consulter?
La plupart de ces cancers sont, comme on dit, sporadiques, sans lien avec des facteurs spécifiques. Lorsqu’ils sont présents, ces facteurs de risque peuvent être familiaux, génétiques, environnementaux ou liés au mode de vie. Concernant le cancer de la prostate, l’âge est le facteur principal, avec un risque qui augmente significativement après 50 ans. La présence d’antécédents familiaux de cancer de la prostate ou de certains gènes (BRCA, CHEK2) augmente aussi le risque. Pour le cancer du testicule, les risques incluent une anomalie congénitale du développement des testicules, une histoire familiale ou une précédente atteinte testiculaire.

Comment se déroule aujourd’hui le dépistage d’un cancer de la prostate?
Le dépistage opportuniste consiste en un examen médical chez le généraliste ou un urologue où l’on réalise un examen rectal pour évaluer la prostate, ainsi qu’un dosage du PSA dans le sang. Le PSA est une protéine produite par la prostate, dont la concentration peut augmenter en cas de cancer, mais aussi en cas d’infections ou d’hypertrophies bénignes. La décision de dépister doit toujours être discutée avec le médecin, car un taux élevé ne signifie pas forcément un cancer et un taux normal n’exclut pas la maladie. Selon les résultats, des examens complémentaires comme une IRM prostatique et/ou une biopsie peuvent être proposés.

Pour le cancer de la prostate, à quel âge faut-il commencer à se faire suivre?
Les recommandations générales proposent de commencer la surveillance à partir de 50 ans, avec un dépistage annuel ou tous les deux ans. La fréquence dépend du taux de PSA, de la présence de symptômes urinaires, de l’âge et de l’avis médical. Ce suivi permet de détecter précocement les cancers à croissance lente, souvent sans symptômes et de préserver la santé avec des traitements moins invasifs ou bien, dans des cas spécifiques, la possibilité de proposer une surveillance sans besoin de traiter, ce que l’on appelle la surveillance active.

«Pour les hommes à risque élevé, il est conseillé de commencer le dépistage plus tôt, généralement vers 40-45 ans»

Existe-t-il des recommandations particulières pour les hommes considérés comme à risque accru, par exemple en raison d’antécédents familiaux ou génétiques?
Oui, pour les hommes à risque élevé, notamment ceux ayant un ou plusieurs antécédents familiaux de cancers de la prostate, les sujets d’origine africaine ou ceux qui présentent des mutations génétiques telles que BRCA1 ou BRCA2, il est conseillé de commencer le dépistage plus tôt, généralement vers 40-45 ans. Ces hommes doivent faire l’objet d’un suivi médical plus régulier, avec des examens du PSA et des palpations rectales, même en l’absence de symptômes. Un conseil génétique peut également être proposé pour déterminer le risque précis et orienter la surveillance. Enfin, dans certains cas, des examens complémentaires ou une consultation spécialisée en génétique peuvent aider à définir des stratégies de prévention adaptées.

Quels sont les principaux traitements proposés?
Les traitements varient selon le stade et l’agressivité du cancer, l’état de santé général, l’âge et les préférences du patient. La chirurgie consiste en une prostatectomie (ablation de la prostate), avec ou sans ablation des ganglions, ce que l’on appelle une lymphadénectomie. La radiothérapie peut également être utilisée, soit par irradiation externe, soit par brachythérapie (implants). L’hormonothérapie vise à réduire les hormones qui favorisent la croissance du cancer et trouve une indication dans les cancers plus agressifs ou avancés. D’autres options incluent la chimiothérapie ou l’utilisation de traitements ciblés pour les formes avancées. Récemment, les techniques innovantes comme la radiothérapie stéréotaxique permettent un traitement précis avec moins d’effets secondaires.

Dans quels cas ne faut-il pas traiter un cancer de la prostate?
Pour certains cancers peu agressifs et détectés de façon fortuite, la stratégie peut être la surveillance active, pour éviter les effets secondaires liés à un traitement. La décision dépend du risque de progression, de l’âge, de l’état général et des préférences du patient. L’objectif est de préserver la qualité de vie tout en évitant un traitement inutile dans des cas où le cancer évolue lentement.

«La possibilité d’opter pour des stratégies de surveillance active pour certains cancers peu agressifs permet d’éviter des traitements invasifs inutilement, préservant ainsi la qualité de vie»

Que permettent les nouvelles techniques que vous évoquez, comme la radiothérapie stéréotaxique?
Ces techniques utilisent des systèmes d’imagerie avancés pour cibler précisément la tumeur, tout en protégeant les tissus sains environnants. La radiothérapie stéréotaxique permet d’administrer des doses élevées sur un nombre limité de séances, offrant ainsi un traitement plus court, souvent en cinq séances au total. Malgré les doses par séance plus élevées, les études n’ont pas mis en évidence plus d’effets secondaires par rapport aux traitements de radiothérapie traditionnels sur 20 ou 40 séances, grâce aux techniques de suivi de la cible en cours de traitement qui permettent de réduire les doses aux organes proches de la prostate.

Quelles sont les options disponibles en cas de récidive après ces radiothérapies?
La médecine moderne offre un large éventail de techniques pour gérer efficacement ces situations. En cas de récidive, plusieurs options sont possibles, en fonction du stade, de la localisation et du traitement initial : la chirurgie, qui est possible, bien que plus mutilante par rapport à une chirurgie d’emblée, une nouvelle radiothérapie – ce que l’on appelle une re-irradiation, des traitements par ultrasons ou micro-ondes, une hormonothérapie prolongée ou une combinaison de ces traitements. La stratégie dépend également de l’état général du patient et des buts thérapeutiques, comme la palliation ou le contrôle de la maladie. Parfois, selon l’âge du patient, ses conditions générales et la présence ou non de symptômes, une simple surveillance clinique, sans traitement, peut être proposée.

Peut-on dire qu’on vit désormais mieux et plus longtemps avec un cancer de la prostate qu’il y a dix ou vingt ans?
Oui, les avancées en matière de dépistage précoce, de traitement et de prise en charge ont considérablement amélioré la survie et la qualité de vie des patients. La possibilité d’opter pour des stratégies de surveillance active pour certains cancers peu agressifs permet d’éviter des traitements invasifs inutilement, préservant ainsi la qualité de vie. Un diagnostic précoce assure aussi la possibilité de découvrir des cancers moins agressifs et donc qui ne nécessitent pas de traitements systémiques comme la thérapie hormonale ou la chimiothérapie. De plus, les techniques chirurgicales et de radiothérapie modernes, notamment la chirurgie robotique et la radiothérapie stéréotaxique, réduisent considérablement les effets secondaires classiques. En conséquence, il est aujourd’hui possible de vivre plus longtemps tout en conservant une très bonne qualité de vie, ce qui représente une réelle avancée par rapport à il y a vingt ans. Il est donc important, une fois le diagnostic posé, de pouvoir rencontrer un urologue et un radio-oncologue pour être informés de façon complète et exhaustive des possibles approches thérapeutiques, se faire une idée et décider, avec son médecin, ce qui est le traitement le plus adapté à la maladie et au malade.

«Le cancer du testicule touche principalement les jeunes hommes âgés de 15 à 45 ans»

S’agissant du cancer du testicule, qui est le plus concerné?
Le cancer du testicule touche principalement les jeunes hommes âgés de 15 à 45 ans. Il est plus fréquent chez les hommes ayant eu une cryptorchidie – une malformation congénitale des testicules – ou un antécédent familial. Bien que ce cancer soit rare comparé à d’autres, il représente la première cause de cancer chez l’adolescent et le jeune adulte. La majorité des cas concerne des hommes relativement en bonne santé et le diagnostic précoce permet un traitement efficace. Certains facteurs environnementaux ou génétiques peuvent également jouer un rôle, mais l’origine reste souvent inconnue.

Comment effectuer correctement l’auto-examen des testicules?
L’auto-examen doit être effectué une fois par mois, idéalement après une douche ou un bain, quand le scrotum est détendu. Il faut glisser doucement les doigts autour du testicule et le palper entre le pouce et les doigts pour rechercher toute grosseur, bosse ou variation dans la texture ou la taille. Il est important de vérifier également le cordon spermatique et le reste du scrotum. En cas de détection anormale, il faut consulter un médecin rapidement. La régularité permet une détection précoce, souvent avant l’apparition de symptômes, augmentant ainsi les chances de guérison.

Quels sont les taux de guérison actuels du cancer du testicule?
Les taux de guérison du cancer du testicule sont très élevés, supérieurs à 95 % lorsqu’il est détecté tôt. La prise en charge consiste généralement en une chirurgie d’ablation du testicule affecté, appelée orchidectomie. Selon le stade, une chimiothérapie ou une radiothérapie peut être ajoutée pour éliminer d’éventuelles cellules tumorales nichées ailleurs. La prise en charge multidisciplinaire en centre spécialisé permet d’assurer un suivi attentif, avec un contrôle régulier pour détecter une éventuelle récidive. La majorité des patients retrouve une excellente santé post-traitement avec une espérance de vie normale. Lors de la chirurgie, il est souvent conseillé de conserver un échantillon de sperme avant le traitement, pour préserver la possibilité de fertilité future. Des techniques de conservation de la fertilité, comme la cryoconservation, peuvent permettre de concevoir ultérieurement, même après traitement.

 

 

CONFÉRENCE PUBLIQUE

Radiothérapie et cancers masculins: quoi de neuf ?

Dans le cadre des Jeudis du RHNe, la conférence du 16 novembre 2023, présentée par le PD Dr Berardino De Bari, médecin-chef du service de radio-oncologie du RHNe, était consacrée à l’importance du dépistage du cancer du testicule, ainsi qu’aux nouvelles technologies utilisées au RHNe pour lutter contre le cancer de la prostate, cancer le plus fréquent chez l’homme. La problématique du dépistage du cancer du testicule, tumeur maligne la plus fréquente chez l’homme jeune (80% des patients ont moins de 50 ans), était abordée à travers le témoignage d’Annemarie Barnes, cofondatrice et présidente de Having A Ball – The Joseph Barnes Testicular Cancer Association créée en l’honneur de son fils, le réalisateur et animateur neuchâtelois Joseph Barnes, décédé à 41 ans, en octobre 2022, des suites de la maladie.

La conférence peut être visionnée sur ce lien.

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