VIOLENCE DOMESTIQUE – Toute victime d’agression peut s’adresser, sur rendez-vous, au Centre neuchâtelois de médecine des violences. La consultation, gratuite et confidentielle, permet d’obtenir un constat médico-légal des lésions et d’être orienté-e vers des structures de soutien.

La médecin légiste Josiane Zeyer-Brunner (à g.) et Eleonora Brogna Pais, infirmière forensique spécialisée. © Guillaume Perret
Que faire quand on a subi une agression dans le cercle familial ou communautaire – que ce soit dans la rue, au travail, à l’école ou pendant une soirée? Où s’adresser pour pouvoir bénéficier d’une consultation médico-légale et de soutiens appropriés? C’est justement pour répondre à ces besoins spécifiques que le Centre neuchâtelois de médecine des violences (CNMV) a été ouvert en novembre 2024. Fruit d’une collaboration impliquant la police, les autorités judiciaires, l’Office de la politique familiale et de l’égalité (OFPE) et la santé publique notamment, il a été mis en place sur le site de Pourtalès (Neuchâtel) du Réseau hospitalier neuchâtelois (RHNe). Les demandes ont déjà commencé à affluer.
Les personnes de plus de 16 ans qui ont fait l’objet de violences (domestiques ou hors domicile) peuvent s’adresser au CNMV sur rendez-vous. Les prestations sont gratuites et confidentielles, y compris à l’égard de la police, de la justice et des institutions de soins. Elles concernent tous les types de violences, à l’exception des agressions sexuelles qui sont prises en charge en gynécologie (pour les femmes de plus de 16 ans) et aux urgences (pour les hommes). Pour ces situations-là, il est conseillé de ne pas se laver, de conserver les vêtements portés dans un sac en papier et de se rendre rapidement à l’hôpital.
Préserver les traces
«Les victimes s’adressent à nous par le biais des urgences – c’est le cas de figure le plus fréquent –, de la police, du Service d’aide aux victimes (Savi) ou alors de leur propre initiative», indique Eleonora Brogna Pais, l’une des quatre infirmières forensiques spécialisées du centre. «Mais c’est à elles de prendre contact en appelant le secrétariat du CNMV, qui leur donnera un rendez-vous dans les 24 à 72 heures. Nous conseillons aux personnes de venir dès que possible après les faits, afin que les traces soient encore visibles.»
501. C’est le nombre d’infractions pour violence domestique enregistrées par la police cantonale neuchâteloise durant l’année 2023.
Prévenantes, les infirmières du Centre de médecine des violences veillent à accompagner les victimes dès leur arrivée de l’hôpital: elles les prennent en charge à la réception pour les emmener directement en salle de consultation. C’est loin d’être anodin, car, quand on souffre de blessures visibles et que le visage est impacté, on n’a surtout pas envie de transiter par une salle d’attente ou de chercher son chemin dans les couloirs.
Se donner le temps de la réflexion
Lors de la consultation, l’écoute se veut attentive et bienveillante afin d’instaurer un climat de confiance. L’infirmière forensique recueille le récit de la victime, sans qu’il y ait mise en doute ou jugement, en prenant le temps nécessaire pour lui permettre de faire part de son vécu: la durée du rendez-vous est d’environ deux heures, mais l’entretien peut se prolonger au-delà si nécessaire. Elle procède à un examen clinique autour des violences subies, qui servira à établir la documentation médico-légale où figurent le déroulement des faits, la description des blessures et des photographies des lésions.
Selon Eleonora Brogna Pais, «faire le constat rapidement après les événements permet à la personne de se donner du temps avant de décider de faire valoir ses droits en justice».
«C’est parfois en racontant ce qu’elles ont subi que les victimes de violences prennent la mesure des difficultés qu’elles vivent.» Eleonora Brogna Pais
Au cas où un acte de violence devait se répéter par la suite, il est recommandé à la victime de reprendre contact avec le CNMV pour établir un nouveau rapport de coups et blessures. Le rapport du constat, supervisé par un médecin légiste, est remis en mains propres à la victime après trois à quatre semaines. Ce document s’avère utile pour conserver la trace des blessures subies et entreprendre une démarche judiciaire immédiate ou ultérieure. «Si la personne ne vient pas tout de suite rechercher son dossier, précise l’infirmière, nous le conservons en attendant qu’elle en ait besoin: il arrive que certaines d’entre elles choisissent de le laisser au CNMV pour éviter de le garder à leur domicile.»
Porte d’entrée
«C’est parfois en racontant ce qu’elles ont subi que les victimes de violences prennent la mesure des difficultés qu’elles vivent… Quand nous leur proposons du soutien par le biais d’institutions ou d’associations partenaires, beaucoup nous disent qu’elles ne savent pas que cette offre existe», fait remarquer l’infirmière.
D’où l’importance, pour le Centre, de proposer une orientation adaptée – l’autre grande priorité de sa mission. «Nous pouvons faire appel aux différents acteurs du réseau pour apporter un appui. En fonction des besoins, nous redirigeons la personne par exemple vers les urgences psychiatriques, les hébergements protégés, la police ou le Savi, qui prend généralement le relais lors de violences conjugales… Mais il faut que la victime le veuille.»
Nouvelle porte d’entrée pour les victimes, le CNMV fait partie intégrante du plan neuchâtelois de lutte contre la violence domestique introduit en 2022.
Comme le montrent les statistiques, cette catégorie de délit est fréquente au sein de notre société: pour l’année 2023 par exemple, la police cantonale a enregistré un féminicide et 501 infractions de violence domestique. Parmi ces victimes, 62 femmes, 60 enfants et 2 hommes ont été accueillis dans un hébergement d’urgence. Ce type d’agression représente une dizaine d’interventions policières par semaine sur le territoire neuchâtelois.
INFOS PRATIQUES
Centre neuchâtelois de médecine des violences: +41 713 31 42 ou cnmv@rhne.ch
Horaire du secrétariat: lundi-vendredi 8h-12h/13h30-16h30, samedi 8h-11h
CONFÉRENCE PUBLIQUE
Violences: l’importance d’une prise en charge spécialisée
Saisir la justice… ou non
La doctoresse Josiane Zeyer-Brunner est présente un jour par semaine au Centre neuchâtelois de médecine des violences (CNMV). Médecin-cheffe spécialiste en médecine légale à l’Institut de médecine légale de Berne (IML), elle intervient sur le site RHNe de Pourtalès, à Neuchâtel, pour examiner et valider les constats établis par les infirmières forensiques. «Les personnes peuvent venir ici solliciter un examen sans forcément déposer plainte, ce qui facilite la démarche. Si elles décident de saisir la justice plus tard, elles auront ainsi des preuves à faire valoir, en plus de leur seule parole. Cela peut leur donner le courage nécessaire pour franchir le pas.»
Dans les cantons sans unité de médecine des violences, la démarche n’est pas aussi évidente: à Berne, par exemple, les spécialistes de médecine légale interviennent par l’intermédiaire de la police. «Ce biais retient un certain nombre de victimes à faire établir un constat de coups et blessures et à se faire aider», estime la Dre Zeyer-Brunner.
L’Institut de médecine légale bernois examine en moyenne 550 cas de violences par an (agressions sexuelles, conjugales, communautaires ou sur des enfants). Un chiffre probablement en deçà de la réalité, selon la médecin légiste, qui insiste sur le rôle crucial des centres de médecine des violences dans l’accompagnement des victimes.