C’était il y a une quinzaine d’années, mais Viviane se souvient encore avec acuité de ce jour printanier où elle apprend par téléphone qu’elle est atteinte d’un cancer. «La nouvelle m’a plongée dans un état de sidération, j’étais sous le choc», raconte-t-elle. «Le médecin m’a reçue le lendemain pour m’expliquer les tenants et aboutissants de la situation. Mais au fil de la consultation, j’ai complètement décroché: je n’entendais plus ses explications, je ne retenais rien de ce qu’il me disait.»
Boîte à outills
Comme Viviane, beaucoup éprouvent une réaction de stupeur à l’annonce d’un diagnostic de cancer. «C’est comme si la personne ouvrait une nouvelle parenthèse dans sa vie sans savoir quand elle la refermera. Il y a d’abord le chamboulement provoqué par l’annonce, puis rapidement le patient reçoit quantité d’informations médicales. Dans un premier temps, il arrive souvent que sa compréhension soit parasitée par les émotions qui le submergent», éclaire Barbara Poggioli Guignard, infirmière cheffe des unités de gynécologie, d’urologie, de médecine des violences et du Centre du sein au Réseau hospitalier neuchâtelois (RHNe). «Au début, ça va vite, il y a beaucoup de choses à faire», complète sa collègue infirmière Alexia Bichsel. «Mais une fois le plan des traitements défini, il est important que le patient puisse comprendre pourquoi et comment les choses vont se passer.»
«Nous proposons différentes pistes que les participants peuvent tester. Chacun a ainsi la possibilité de découvrir des approches susceptibles d’améliorer sa vie quotidienne»,
Barbara Poggioli Guignard, infirmière cheffe d’unités et présidente d’Avac
C’est dans ce but que le programme d’éducation et de soutien Apprendre à vivre avec le cancer (Avac) est dispensé deux fois par an depuis 2012 au RHNe. Ce projet a été développé par l’infirmière suédoise Gertrud Grahn dans les années 1980, en concertation avec des malades et leur entourage, avant d’essaimer dans plusieurs pays. Il vise à offrir des outils concrets pour aider les patients et leurs proches à mieux comprendre la maladie et proposer des pistes pour la gérer.
Animées par des infirmières en oncologie et du Centre du sein, les sessions abordent huit thématiques (lire l’encadré) organisées sur six soirées. Concrètement, chaque séance comprend une partie théorique présentée par un intervenant spécialiste de son domaine (oncologue, diététicienne ou sexologue notamment) et un volet plus ludique avec apéro dînatoire.
«Quand nous parlons de détente, les participants pourront s’essayer au yoga, à la pleine conscience ou à la méditation par exemple. L’idée est de proposer une palette d’activités pour que chacun puisse trouver ce qui lui convient le mieux», illustre Barbara Poggioli Guignard, qui est aussi présidente de l’association Avac.
Comment améliorer le quotidien?
Autrement dit, le programme explore différents sujets pour aider les participants à mieux comprendre la maladie, à mobiliser leurs compétences personnelles et trouver des solutions pour atténuer les problèmes. «C’est un apprentissage qui est là derrière», résume-t-elle. «Nous proposons différentes clefs, qui sont autant de pistes que chacun pourra tester. Chacun a ainsi la possibilité de découvrir des approches susceptibles d’améliorer sa vie quotidienne. Et quand le patient devient acteur de sa prise en charge, on lui donne du pouvoir!»
Parmi l’ensemble des alternatives présentées, les encadrantes indiqueront lesquelles sont officiellement reconnues et lesquelles ne le sont pas. Et Barbara Poggioli Guignard de préciser que «nous cherchons par là à éviter que des patients finissent chez un charlatan…Il faut savoir que lorsque nous sommes en situation de détresse, nous avons tendance à être plus vulnérables face à des personnes malintentionnées ou promptes à profiter de la situation.»
Selon Alexia Bichsel, «ces sessions sont aussi l’occasion d’approfondir certains points que les participants souhaitent éclaircir. Nous pouvons par exemple revenir sur l’un ou l’autre sujet qu’ils n’avaient pas pu appréhender lors de l’annonce du diagnostic. Cela leur permet de reprendre ces éléments à tête reposée, quand la charge émotionnelle est derrière.»
Apaiser les proches
Dans la mesure où la maladie a aussi tendance à déstabiliser les membres de l’entourage, les patients peuvent prendre part au programme avec un ou deux d’entre eux. «Les proches se sentent fréquemment démunis, sans compter que la situation génère bien souvent des non-dits. Alors, quand ils sont là pour entendre et participer, cela peut leur apporter de l’apaisement et rendre le parcours dans le traitement plus serein.»
Malades ou proches, tous peuvent tirer profit de la dynamique de groupe, à la fois pour évoquer leurs difficultés spécifiques ou faire part des stratégies qu’ils ont mises en place. «Comme chacun est dans une étape du parcours différente de celle des autres, ils peuvent échanger des conseils. Cela fonctionne plutôt bien, il arrive d’ailleurs souvent que des participants restent en contact une fois le programme terminé», constate Barbara Poggioli Guignard.
C’est aussi un moyen de ne pas se laisser gagner par un sentiment d’isolement. «Beaucoup de participants nous disent qu’ils viennent aux sessions pour ne pas se sentir seuls avec leur maladie», rapporte Alexia Bichsel. «Les séances les encouragent et les rassurent!»
Prochaine session du programme Avac: du mardi 29 avril au 3 juin à l’hôpital de La Chaux-de-Fonds (18h-20h). Inscription obligatoire à avac.prt@rhne.ch.
La session d’automne (dès le 30 octobre 2025) sera donnée à l’hôpital Pourtalès, à Neuchâtel.
Du médical à l’émotionnel
Animées par des professionnels spécialistes de leur domaine, les six séances du programme Avac ont lieu une fois par semaine. Elles explorent le cancer à la fois sous l’angle médical, personnel et émotionnel. D’où les différentes thématiques abordées lors de la prochaine session: la cellule et le cancer (méthodes diagnostiques, traitements et effets secondaires par exemple), alimentation, enjeux et plaisir (médecine intégrative) ou encore faire face, surmonter la crise (impact du cancer sur la personne et la vie sociale).
La dernière soirée sera consacrée au soutien et aux ressources (ou quand les mots ne suffisent pas, l’expression par l’art). «J’ai obtenu beaucoup de réponses à mes questions», témoigne une ancienne participante, «et le programme m’a permis de me projeter dans le futur en vivant avec cette maladie».
Conférence: «Comment parler de la maladie chronique et de la mort? Un défi pour les soignant-e-s»
Dans le cadre des Jeudis du RHNe, la conférence du 15 mai 2025 portera sur un sujet sensible mais essentiel: comment communiquer avec un-e patient-e confronté-e à une maladie au long cours?
L’annonce d’un cancer ou d’un autre problème de santé grave est un choc immense. L’angoisse de la mort surgit, le quotidien change, parfois pour toujours. Comment partager de tels diagnostics et accompagner, dans certains cas, les patient-e-s vers la fin de leur vie?
La qualité de l’interaction entre soignant-e-s, patient-e-s et familles joue un rôle déterminant dans l’adhésion aux soins et la qualité de vie. «Même un traitement efficace et utile peut être difficile à administrer si on communique mal et si on ne connaît pas son patient. Si ce dernier ne peut pas s’exprimer sur ses craintes et sur ses attentes quant à la stratégie thérapeutique, le risque de nous confronter à un échec est grand», explique la Dre Leila Achtari Jeanneret, médecin-cheffe en oncologie au RHNe.
Comment créer un réel échange et s’adapter aux besoins des patient-e-s? Comment intégrer leur entourage? Les intervenant-e-s de la prochaine conférence des Jeudis du RHNe aborderont ces points et répondront aux questions du public et des internautes.
Conférence publique :
Jeudi 15 mai, 19h – Auditoire de Pourtalès – Entrée libre – Diffusion en direct sur la page Facebook du RHNe
La conférence est suivie d’un apéritif.
Intervenant-e-s :
Dr Yann Corminboeuf, médecin adjoint, service de liaison spécialisée ambulatoire du Centre neuchâtelois de psychiatrie
Dre Leila Achtari Jeanneret, médecin-cheffe, département d’oncologie du RHNe et contributrice aux recommandations de la Société européenne d’oncologie médicale (ESMO) sur la communication en soins oncologiques
Mme Séverine Schild-Erard, infirmière en oncologie au RHNe, titulaire d’un CAS en psycho-oncologie
Mme Sylvaine Doron, infirmière en oncologie au RHNe, titulaire d’un CAS en soins palliatifs
Dre Indira Amorim Araujo, médecin-cheffe de service, service de soins palliatifs du RHNe