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«L’épidémie de résistance aux antibiotiques est inquiétante»
Propos recueillis par Trinidad Barleycorn
L’antibiorésistance désigne la capacité des bactéries à s’adapter pour résister aux antibiotiques, compliquant ainsi le traitement, voire le rendant impossible. Du 18 au 24 novembre 2024, la Semaine mondiale pour un bon usage des antibiotiques rappelle que leur surconsommation favorise la résistance.
Chaque année, la Semaine mondiale pour un bon usage des antibiotiques a pour but « de mieux faire connaître le phénomène mondial de résistance aux antibiotiques et d’encourager le grand public, les personnels de santé et les décideurs à adopter les meilleures pratiques afin d’éviter l’apparition d’une résistance aux antibiotiques et que celle-ci ne continue à se propager », explique l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
Dans le cadre de cette semaine de prévention, le 21 novembre 2024, le RHNe consacre sa conférence publique des Jeudis du RHNe à l’antibiorésistance (informations en fin d’article).
En Suisse, on estime que 300 personnes décèdent chaque année des suites d’une infection par une super bactérie. Selon une récente étude, au niveau mondial, plus de 39 millions de personnes pourraient mourir directement d’infections par des germes résistants aux antibiotiques d’ici 2050. Le Dr Olivier Clerc, médecin-chef du service d’infectiologie du RHNe, fait le point sur la situation.
Le 31 juillet, l’OMS avait émis une alerte concernant la circulation de la super bactérie Klebsiella pneumoniae. Qu’en est-il?
Dr Olivier Clerc: Cette bactérie est un des exemples, et ils sont nombreux, de la problématique de la résistance aux antibiotiques, à laquelle l’OMS s’intéresse depuis longtemps. Les bactéries comme Klebsiella pneumoniae, sont intrinsèquement virulentes et peuvent provoquer des infections graves. Elles sont également capables de devenir très résistantes aux antibiotiques, parfois résistantes à tous les antibiotiques disponibles.
Quand on n’a pas d’antibiotiques actifs en cas d’infection grave à ce type de bactéries, les patients sont à risque de mourir comme dans les années 1940, avant que les antibiotiques n’apparaissent. La résistance aux antibiotiques est l’épidémie avec la mortalité la plus élevée attendue dans les prochaines années. C’est une situation qui est vraiment alarmante.
Quelles sont les pistes pour contrer cette résistance?
On a quelques nouveaux antibiotiques, heureusement, mais on aurait besoin de davantage de développement de nouvelles substances. Les antibiotiques coûtent cher à développer pour l’industrie pharmaceutique et rapportent peu, contrairement à des traitements que les gens doivent prendre à vie. C’est une des raisons, parmi d’autres évidemment, qui expliquent pourquoi on n’a pas beaucoup de nouveaux traitements. Face aux superbugs, on doit parfois ressortir du tiroir de vieux antibiotiques qu’on n’utilisait plus depuis des décennies, car ils étaient trop toxiques.
Quels sont les pays les plus touchés par cette résistance aux antibiotiques?
Il y a des pays de très forte endémie de résistance antibiotique: l’Inde, la Chine et certains pays d’Asie du Sud-Est où la situation est beaucoup plus grave que chez nous, où vous trouvez des germes multirésistants même dans l’eau du robinet. Deux semaines de vacances sur place et vous avez une chance de revenir colonisé par des germes multirésistants. La situation est généralement moins grave dans les pays qui utilisent de manière plus restrictive les antibiotiques. Mais par exemple, en Italie du Nord, il y a beaucoup de bactéries multirésistantes. Chaque année, des patients sont hospitalisés durant leurs vacances, et quand ils sont retransférés ici, on doit les dépister et les mettre en quarantaine à cause de cela.
Ces germes multirésistants sont-ils contagieux?
Oui, cela peut se transmettre par contact, mais aussi à l’hôpital par l’environnement. Si on prend la tension d’un patient et qu’on prend ensuite la tension du voisin, sans désinfecter le tensiomètre, il y a un risque de transmission, raison pour laquelle on doit prendre des mesures d’isolement.
Que peut-on faire, toutes et tous, pour ne pas aggraver la situation?
À notre échelle, il faut essayer de ne pas prendre d’antibiotiques sans bonne indication, mais c’est bien sûr d’abord le rôle du médecin qui prescrit. Plus on administre d’antibiotiques, et plus on sélectionne des résistances.
Au niveau alimentaire, certaines viandes, dont le poulet, sont fréquemment colonisées par des germes multirésistants. Mais le principal facteur de risque pour les Suisses d’être porteurs de germes multirésistants, c’est actuellement probablement les voyages…
La situation peut-elle revenir à celle de l’ère pré-antibiotique?
Une personne jeune qui faisait une pneumonie en 1940 avait 20% de risque d’en mourir. S’il faisait une endocardite ou une méningite, c’était 100%. On évoque parfois la possibilité d’un retour à cette situation, « l’ère post-antibiotique ». Mais on n’en est pas encore là, heureusement !
Sur le même thème:
L’antibiorésistance, ça vous concerne?
Conférence publique des Jeudis du RHNe, le 21 novembre 2024, à 19h, auditoire du site RHNe de Pourtalès, Neuchâtel et en direct sur Facebook.
Entrée libre. La conférence est suivie d’un apéritif.
Intervenant-e-s:
Dre Andrea Künzli, médecin-cheffe adjointe au sein du service d’infectiologie
Dre Ilona Kronig, médecin-cheffe adjointe au sein du département de médecine
Pierre Vanderavero, infirmier spécialisé en prévention et contrôle des infections
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