Après près de 30 ans dans les hôpitaux neuchâtelois, le Dr Michel Hunkeler est parti à la retraite fin mars. Il tire le bilan d’une carrière très riche, qui lui a notamment permis de participer à la création du Centre de médecine du sport du RHNe.

Dr Michel Hunkeler
Tenace, endurant et passionné. Les adjectifs sont revenus à plusieurs reprises dans les discours tenus en l’honneur du Dr Michel Hunkeler, à l’occasion de son pot de départ à la retraite, fin mars sur le site du Val-de-Ruz. Fidèle, aussi, lui qui a travaillé près de 30 ans au sein des hôpitaux neuchâtelois, d’abord à La Chaux-de-Fonds, puis aux Cadolles, à Pourtalès et enfin à Landeyeux, depuis 2007. C’est là que ce passionné de sport a pu réaliser un vieux rêve: concilier sport et médecine dans sa pratique professionnelle en participant à la création du Centre de médecine du sport du RHNe, certifié par Swiss Olympic en 2023. «C’est une chance!», souligne l’ancien médecin-chef de service, heureux d’un développement qui n’aurait jamais vu le jour sans lui. Entretien.
Vous avez été maître d’éducation physique avant de devenir médecin. Qu’est-ce qui a motivé cette réorientation?
Dr Michel Hunkeler: Le sport fait partie de ma vie depuis que je suis tout petit. J’ai commencé à faire de la gym dans mon village de Boudry. J’ai ensuite fait une ou deux saisons de foot, mais ce n’était vraiment pas mon truc. À 11 ans, j’ai commencé l’athlétisme au CEP Cortaillod. Je me suis très vite consacré au cross. Depuis lors, j’ai surtout pratiqué des sports d’endurance. C’est cet amour du sport qui m’a incité à devenir prof d’éducation physique après le gymnase. J’ai fait la formation de 1981 et 1985 à Lausanne. Au départ, c’était mon job de rêve. Mais après quelques stages, je me suis rendu compte que j’avais du mal à gérer la classe, à faire preuve d’autorité. Et qu’il était difficile de motiver des jeunes de 15 ans qui n’avaient pas envie de se mettre en mouvement. Du coup, j’ai très vite renoncé. En 1982, j’ai commencé des études de médecine en continuant à suivre les cours de sport un jour par semaine. Je voulais absolument avoir les deux diplômes. C’était une période chargée, mais je ne regrette pas de l’avoir fait.
Pourquoi avez-vous choisi la médecine?
Le corps humain m’a toujours intéressé, donc c’était assez naturel pour moi. Mais j’avais des doutes: à l’époque, le patron de la médecine interne à Neuchâtel déconseillait aux étudiants de se lancer en insistant sur la difficulté du cursus et l’absence de débouché en fin d’étude. Et comme j’avais raté mon bac et avais dû refaire la dernière année de gymnase, je n’avais pas forcément une énorme confiance en ma capacité à réussir. Mais j’avais des amis qui avaient réussi leur première année de médecine. Alors je me suis dit: pourquoi pas moi? L’année d’étude du sport m’a aidé: j’avais déjà un certain bagage en anatomie et en physiologie.
Après des expériences comme médecin-assistant à Monthey, à Morges, à Lavey-les-Bains, au CHUV et aux HUG , vous avez travaillé à l’hôpital de La Chaux-de-Fonds en 1996 avant d’être nommé l’année suivante médecin-chef du service de réadaptation des hôpitaux Cadolles-Pourtalès, qui dépendaient alors de la Ville de Neuchâtel. Quel souvenir gardez-vous de cette période?
De très bons souvenirs! Je passais une journée par semaine à Pourtalès. Cela m’a permis de créer des liens avec des collègues que j’ai côtoyés toute ma carrière, comme Pierre Colin, Anne-Christine Miaz ou Michèle Croisier. Pour moi, qui ai toujours aimé travailler en équipe, c’est extrêmement précieux. À l’époque, comme «PPS» (pour pluriprofessionnel-le-s de santé, catégorie qui regroupe notamment les diététicien-ne-s, physiothérapeutes et ergothérapeutes, ndlr), ils dépendaient d’un médecin. Depuis 2007, ils dépendent de la direction des soins. Du coup, on a moins d’influence organisationnelle sur les thérapeutes. Mais on est toujours resté en lien pour échanger sur la meilleure prise en charge possible de nos patients. En parallèle de mon temps partiel à l’hôpital, j’ai travaillé pendant 10 ans à Neuchâtel en cabinet comme rhumatologue avec la Dre Christiane Zenklusen et la Dre Rebecca Anderau. C’est dans ce cadre que j’ai commencé à pratiquer la médecine du sport.
Vous avez suivi une formation spécifique pour cela?
À la fin de années 1990, j’ai fait un certificat de médecine du sport, avec des cours à Genève et à Lausanne. Cela fait partie de ce que l’on appelle une formation approfondie interdisciplinaire. Je voyais des patients qui avaient des problèmes de rhumatologie inflammatoire, ostéo-articulaires ou en lien avec la pratique d’une activité sportive. Je suivais toutes sortes de profils: Monsieur et Madame Tout-lemonde, mais aussi les nageurs du Red-Fish, l’équipe du NUC Volleyball ou encore les hockeyeurs des Young Sprinters de Neuchâtel (ndlr: club qui a disparu en 2009).
À Landeyeux, vous avez participé activement à la mise en place du Centre du sport.
À l’époque, en 2007, nous ne remplissions pas les critères pour être certifiés par Swiss Olympic. Il fallait notamment deux physiothérapeutes reconnus comme physiothérapeutes du sport et deux médecins reconnus comme médecins du sport. Il a fallu attendre 2022 pour que le Centre remplisse tous les critères requis. Nous avons postulé pour le label l’année suivante. Cela nous a permis d’être mieux structurés, avec des physiothérapeutes spécifiques dédiés, une diététicienne et un physiologiste de l’effort, Jeremy Barfuss, qui a aussi géré le projet. Je suis très content que la Dre Marie Thévenon, spécialiste en médecine physique et réadaptation et médecin du sport, m’ait succédé comme référente du Centre suite à mon départ à la retraite. Cela me tenait vraiment à cœur.
«Le Centre est ouvert à toute personne souhaitant se mettre au sport, améliorer ses performances»
En 2007, vous aviez comme mandat principal de mettre sur pied le service de réadaptation du site du Val-de-Ruz dans ce qui était devenu l’Hôpital neuchâtelois (HNE ). Un sacré défi, non?
Oui, l’objectif fixé par la direction était d’offrir des soins de réadaptation pour des cas neurologiques ou musculo-squelettiques pour des patients plutôt jeunes (moyenne à 63 ans). À l’époque, il y avait quatre sites de réadaptation avec également Le Locle, La Béroche et Couvet. Chaque site avait son organisation propre et dépendait du département de médecine. Nous avons géré le site avec la Dre Françoise Beyner. Nous faisions une visite le samedi matin, chacun notre tour, pour soulager les médecins assistants. Le département transversal de gériatrie, réadaptation et soins palliatifs (DGRSP) a été créé en 2014. Malgré la création du DGRSP, je me suis surtout impliqué sur le site du Val-de-Ruz. Il faut être présent à un endroit pour être efficace. Pour moi, il est impossible de suivre ses patients en faisant du multisite. On s’est beaucoup battu pour le regroupement des activités de réadaptation sur un seul site, malheureusement sans succès jusqu’ici. Cela permettrait d’améliorer l’efficacité des équipes, d’avoir du personnel plus spécialisé et de travailler en permanence dans une logique pluridisciplinaire, ce qui est très important en réadaptation.
Au Val-de-Ruz, vous êtes arrivé sur un site où certains soignants faisaient le deuil de prestations qui avait été supprimées en 2005, comme le bloc opératoire et la maternité.
Oui, on sentait parfois que c’était un peu dur pour d’anciens infirmiers de salle d’opération ou de la maternité de faire de la réadaptation. On pouvait les comprendre: la prise en charge d’hémiplégiques n’a pas grand-chose à voir avec celle de nouveau-nés. Mais tout le monde s’est adapté avec beaucoup d’énergie. C’était une belle période: on partait d’une page blanche pour créer quelque chose d’entièrement nouveau.
C’était facile de concilier réadaptation et médecine du sport?
Oui, car les bases sont les mêmes: d’un côté, il y a quelqu’un avec un problème de santé qui doit retrouver son autonomie pour retourner à la maison; de l’autre un sportif qu’on doit ramener à un certain niveau de performance.
Comment se passe le suivi d’un sportif d’élite blessé?
Il convient d’abord de poser le bon diagnostic, ce qui n’est pas toujours simple, orienter le traitement et gérer l’activité sportive. Il est plus facile d’arrêter un amateur qu’un sportif d’élite, qui est parfois salarié, avec la pression que cela implique. Dans ces cas-là, on doit parfois discuter avec les dirigeants ou entraîneurs du club. Avec l’encadrement du NUC féminin, avec qui nous travaillons étroitement, les physios sont très impliqués auprès des joueuses. Cela facilite le dialogue. Il n’y a pas de pression, comme cela peut être le cas dans d’autres sports où les enjeux financiers sont plus importants. Mais au final, c’est le sportif qui décide s’il peut jouer ou pas.
Le Centre du sport accompagne de plus en plus de sportifs non-professionnels. Quelles sont les offres qui leur sont proposées?
Le Centre est ouvert à toute personne souhaitant se mettre au sport, améliorer ses performances. Mes anciens collègues offrent des conseils, proposent des bilans avec le physiologiste de l’effort pour débuter ou reprendre une activité physique de façon raisonnée et raisonnable. Suivant les situations, ils réalisent également un check-up médical afin d’exclure toute contre-indication à l’activité sportive et les physiothérapeutes prennent en charge les blessés.
«Le lien avec le patient doit être au cœur de la relation de soin. C’est la base de notre métier»
Qu’a apporté le label Swiss Olympic?
Dans l’activité quotidienne, cela ne change pas grand-chose. Cela impose des obligations pour les sportifs d’élite qui sont soutenus par Swiss Olympic (carte de bronze, argent ou or). On doit les voir dans un délai court. Mais le label a surtout donné de la crédibilité et de la visibilité au Centre et au site du Val-de-Ruz.
Avez-vous été confronté au dopage?
J’ai une anecdote à ce sujet: quand je me suis installé, en 1997, le premier patient qui m’a appelé m’a demandé si je prescrivais des anabolisants. C’était un bodybuilder. Pour lui, c’était plus simple d’en obtenir sur ordonnance. J’ai refusé, bien sûr. Mais il est facile d’en trouver sur le marché parallèle. Une autre situation à laquelle j’ai été confronté concerne des patients atteints de TDAH (trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité). Ils ont besoin de Ritaline ou d’une molécule analogue pour rester concentré dans leur activité sportive. À l’entraînement, ça ne pose pas de problème mais c’est considéré comme un produit dopant en compétition. Il faut donc leur faire passer une évaluation stricte auprès de spécialistes (psychologues ou psychiatres) pour qu’ils puissent obtenir une dérogation (autorisation d’usage thérapeutique).
Vous êtes à la retraite depuis quelques mois: avez-vous la peur du vide?
Non, pas du tout. J’ai adoré mon métier, mais je suis soulagé de pouvoir réduire le rythme et prendre plus de temps pour moi et ma famille. Et puis c’est une retraite de la pratique médicale, pas un arrêt de toutes mes activités: je continue à donner un cours à l’Université de Neuchâtel en anatomie et en physiologie dans le cadre du bachelor en sport. Je garde aussi ma fonction de président de la commission de déontologie et de membre du comité de la Société neuchâteloise de médecine (SNM).
Quel conseil donneriez-vous au jeune Michel qui hésitait à se lancer en médecine au début des années 1980?
Je lui dirais que c’est un très beau métier, qu’il ne doit pas hésiter! Bien sûr, il y a quelques frustrations. La médecine est touchée par une dérive administrative qui a peu de sens. Quand je vois des assistants qui passent 70% de leur temps devant un ordinateur, je me dis qu’il y a un problème. Le lien avec le patient doit être au cœur de la relation de soin. C’est la base de notre métier.
Bio express
1961 Naissance à Langenthal (BE)
1985 Diplôme fédéral de maître d’éducation physique à Lausanne
1988 Diplôme fédéral de médecine à Lausanne
1997 Nomination comme médecin chef de service de réadaptation aux hôpitaux des Cadolles-Pourtalès
2007 Nomination comme médecin-chef de réadaptation sur le site du Val-de-Ruz
2023 Le Centre du sport du RHNe-Val-de-Ruz obtient le label Swiss Olympic



